J’AI ÉCRIT BIEN DES VERS à la manière de poètes connu.e.s et inconnu.e.s J’en ai même recopié quand j’étais adolescent sur des feuilles de tabac que mon père faisait sécher sur des cordes tendues de clocher en clocher J’ai écrit sur le pont romain de Saragosse en lisant un été la vida del buscón (un roman picaresque pas piqué des vers) Un printemps sur Brooklyn Bridge j’ai écrit à côté d’un géant du jazz qui se prenait pour Saint Thomas J’ai écrit sur l’altiplano, les hauts-plateaux du Pérou, où l’on m’avait confié la clé d’une cahute en adobe, avec des crânes en provenance d’Incas factices et une cruche de chicha, leur maïs fermenté J’ai écrit dans le train qui me menait à Berlin Ouest au temps du mur, hérissé de barbelés, érigé par les camarades communistes de l’Est J’ai écrit comme un sourd parlant à des muets Aujourd’hui 30 mai 2023 j’écris cette dernière resucée, à une heure de la nuit avancée, sur mon bloc de papier, avant de transférer le tout, demain dès l’aube, sur poésie mode d’emploi, ce blog numérique que j’adresse aux rares lectrices et lecteurs-oiseaux de passage, en espérant qu’ils en prennent un peu de graines, pour les porter à leur tour et les faire proliférer, sur leur livre d’intimité