J’ÉCRIS DANS UN TEMPS INTERROMPU (ni ininterrompu, ni perdu, ni retrouvé) J’écris dans un temps qui jouit de la douceur de la bonne santé J’écris dans l’impensé des nuits des corps rongés par l’infâme crabe J’écris dans le mouvement qui me fait passer au travers de périodes séparées de ma petite histoire J’écris de Jadis succédant au Maintenant J’écris sur les chemins des mythes qui reculent vers le futur J’écris à contre-temps des chroniques anachroniques J’écris en lisant, veillant à y voir clair dans mes Ombres errantes 1 J’écris pièce par pièce ce qui ne peut-être rapiécé J’écris sous les pavés page après page 1François Couperin
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HYPNOGRAPHIES EN RÉSEAU

lundi 5 décembre hypnographies spatio-temporelles à main levée

Le réseau se compose de points spatio-temporels que tout être occupe tour à tour, ce qui multiplie à l’infini les dimensions du temps et de l’espace. ( la dilatation du monde finit par le rendre insaisissable) Italo Calvino (Leçons américaines)
LES VRAIS LIVRES

manuscrit dorio 29/11/2022
« LES VRAIS LIVRES DOIVENT ÊTRE LES ENFANTS NON DU GRAND JOUR ET DE LA CAUSERIE MAIS DE L’OBSCURITÉ ET DU SILENCE » 1 Silence l’arbre remue encore 2 : un spectacle jouissif créé au Cloître des Carmes pendant le festival d’Avignon, l’été 1967. Ça aurait pu être l’histoire d’un cheval noir galopant la crinière en feu, mais il n’est pas venu. Le père Obscurité et la mère Silence ont le plaisir de vous faire part de la naissance de Jean-Jeanne Le Temps. Le temps est un enfant qui joue 3 Le père Silence et la mère Obscurité, leur tâche procréatrice accomplie, se perdent dans les deux temps du romancier : le perdu et le retrouvé. J’ai dit deux temps, peut-être n’y en a-t-il qu’un seul, non que celui de l’homme éveillé soit valable pour le dormeur, mais peut-être parce que l’autre vie, celle où on dort n’est pas -dans sa partie profonde- soumise à la catégorie du Temps. 4 Mais cependant dès que tu dors l’aventure du sommeil commence…5 Et encore plus étrange « UN HOMME QUI DORT tient en cercle autour de lui le fil des heures, l’ordre des années et des mondes. Il les consulte d’instinct en s’éveillant et y lit en une seconde le point de la terre qu’il occupe, le temps qui s’est écoulé jusqu’à son réveil ; mais leurs rangs peuvent se mêler, se rompre » 6 Et la plus grande des confusions peut dans ces circonstances régner, l’homme qui dort est devenu femme, « androgyne bizarre, pétri des sangs divers de ma mère et de mon père » 7 « L’homme qui dès le commencement a été longtemps baigné dans la molle atmosphère de la femme…y a contacté une sorte d’androgynéité, sans laquelle le génie le plus âpre et le plus viril, reste relativement à la perfection dans l’art, un être incomplet » 8 La perfection dans l’art est, naturellement, pure illusion, mais tous les moyens sont bons pour la rechercher. Se mettre, par exemple, « en arrêt », suspendre les informations venues des cinq sens, cultiver la « bonne hypnose ». Ruminer, ressasser, mettre à bonne distance les mots et les choses, pensant le monde dans l’obscurité éclairée de silence.
1 Marcel Proust 2 François Billetdoux 3 Héraclite (l’Obscur) 4 Proust 5 Perec 6 Perec/Proust 7 Chateaubriand 8 Baudelaire
LE TEMPS L’AMOUR L’ASCÈSE
Depuis le temps qu’on les écrit Jour après jour et chaque nuit C’est comme une douce habitude Les lignes s’enchaînent ou s’arrêtent Des fois ça peut durer deux jours C’est comme une lettre d’amour Avec des vers formant l’épître Les mots sautent comme cabris Mais faut les passer à la forme Et à la fin recopier Avec ses douas sur le clavier On hésit’encor tant c’est balaise De nommer : le temps l’amour l’ascèse
DÉFENDEZ-MOI DE MOI
-Mais quel est ton secret ? – Je n’ai pas de secret, sauf celui de refuser de me prendre pour quelqu’un qui chaque nuit écrit ses secrets.
« Défendez-moi de moi » ai-je lu, peut-être chez Montaigne, sûrement (en traduction) chez quelque autre auteur de conséquence écrivant dans la langue de Cervantes.
Celui qui écrit sur la mémoire, le temps, l’oubli, la répétition, le mouvement, la nostalgie du présent, je fais comme si je ne le connaissais pas personnellement, comme si j’ignorais ce qu’il avait déjà écrit sur ses cahiers, petites cartes blanches ou colorées, et même, ça peut arriver, sur un livre affublé d’un nom d’auteur, pour la commodité.
Bref, toute image renvoyée par les autres, ne rencontre jamais mon assentiment, ou plutôt, vous l’aurez peut-être compris, je les prends toutes pour argent comptant. Tous ces registres, tous ces costumes, tous ces personnages représentés par un seul acteur, une seule actrice (je songe à Isabelle Huppert, un modèle en ce domaine), tout ce mixte, ce kaléidoscope, cette machine à produire mille visages…
-Alors, la prouesse est à tous ! conclut avec malice mon questionneur de secrets. – La prouesse c’est l’allégresse de remettre une pièce dans la machine littéraire de nos désirs inassouvis.
https://www.leseditionsdunet.com/livre/un-dictionnaire-part-moi