NI D’ÈVE NI D’ADAM

NI D’ÈVE NI D’ADAM ne suis connu Et pourtant j’ai écrit quatre recueils d’Encres Vives (format A4, 16 pages) sur le Paradis Présents de paradis, un été Éphémère paradis, l’automne suivant, Lector in Paraiso, au printemps et pour clore le cycle Petites feuilles de paradis, un hiver. Pour 3 des couvertures, j’ai eu droit à l’illustration exceptionnelle de Claude Brugeilles. J’ai eu deux ou trois lecteurs, par ci par là, mais à ma connaissance aucun Adam, ni aucune Ève, ne se sont manifestés. Et Dieu dans tout ça ?

noir sur blanc un paradis impromptu

UN PARADIS EN VOIE DEFFACEMENT

En écrivant sur cette double page vierge, jimagine lavoir déjà rencontrée en ouvrant au hasard un livre de ma bibliothèque. Loué soit le rêve qui nous révèle que nous pouvons inventer un paradis dans la jubilation de phrases qui, en refermant le livre, vont seffacer. Les roses de Ronsard, le fleuve dHéraclite, le désert habité par un petit prince, les oiseaux dAlexis Léger alias Saint John Perse et les chansons des Anonymes, jaillissant comme les étincelles dun feu bataillant jusquà laube. Toute la nuit alternant lettres vives et lettres mortes, les monstres de Goya (Sommeil de la Raison) et, de Paul Verlaine, les oxymorons : une aube affaiblie verse par les champs, la mélancolie des soleils couchants.

Cette double page vierge que nul lecteur ne feuillettera sans quelque effroi, en se demandant,  mais que diable avait écrit ce rêveur solitaire pour que ses phrases par la suite seffaçassent ? Non rayées, raturées, biffées, comme font les écrivain.e.s insatisfait.e.s., mais par on ne sait quel tour de passe-passe, perdues à jamais.

Enfin, si lon veut bien se donner la peine de relire ce qui précède, pas tout à fait

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QUAND PEU À PEU ON QUITTE BIEN MALGRÉ SOI LE PARADIS DE SA BIBLIOTHÈQUE

JE LIS JE LISAIS JE NE LIS PLUS

Les vrais paradis qui existent sont ceux que lon a perdus

Marcel Proust

Je lis des livres en entier, des sagas, des sagaies plantées dans les faux souvenirs dun danseur balinais, dun chasseur de baleines à qui il manque un pied Je lis les livres dhommes remarquables terrassés par lennui de se répéter Je lis des femmes qui de leur vie vivante furent dillustres inconnues dans lombre de leur mari et que la postérité encense Je lis des livres en miroir pour tenter de voir ce quil y a sous leurs mots Je lis des livres de Zygomars qui gloussent et pouffent vouant un culte à leur zygomatiques Je lis des livres de boniments blablas baratins verbiages absent on ne sait pourquoi de tous les dictionnaires de citations (sauf le mien tenu secret dans un application de mon ordinateur) Je lis des livres sur le café dont celui du professeur Dac qui démontre bol à lappui que si on en donnait à boire aux vaches « on trairait du café au lait »

Je lisais des livres au café mais cétait avant la pandémie Je lus aussi au cinéma une unique fois pendant la projection de La chinoise prélude à Mai 68 côté Mao Je lisais nolens volens des livres de poésie mais depuis quils ont disparu du « Monde des Livres » jai jugé bon de men délivrer Je lisais aussi en public en sortant dune librairie à la plage sur un banc public (banc public) dans le métro (boulot dodo) au bar du PMU (en attendant la course du tiercé changée en quinté +) à lécole des écoliers puis de ceux qui en rendant leur tablier gris revêtent leur tenue professorale Et enfin je lisais déjà bébé sur les lèvres de ma mère lOye et les volutes de fumée de mon papa Pipu

Mais c’est fini depuis que je fais partie de la liste des disparus je n’ai plus accès au paradis de ma bibliothèque je ne lis plus

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QUE SÇAIS-JE ?

Que sçais-je ? Formule choisie par Montaigne pour se désembourber de ses croyances trop affirmées Une interrogation sous forme de « devise, d’une balance » (sic), qu’il fit frapper sur une médaille en 1576.

Que sais-je daujourdhui ? Ce mot qui le premier vient de se poser sur mon papier en soufflant sur les braises du jour naissant Je sais que laujourdhui commence par le bruit de ma pointe fine au verso de la couverture dun livre de poèmes que jécrivis de 1970 à 1975.

Que sais-je des poèmes ? Je sais que jen ai lu des milliers dont certains (mes phares) des dizaines de fois Je sais que moi aussi, jen ai écrit un nombre incalculable, et publié dans quelques livres et maints recueils, qui sur le moment semblaient apporter mes grains de sel, mais qui se sont dilués, avec le temps, dans l’invisible.

Que sais-je du paradis ? J’en ai produit quatre pour Encres Vives, collection Encres Blanches (tout un poème). Mais à « la minute présente » je sors de ma bibliothèque (le lieu le plus propice à l’humain paradis), le livre contenant cette longue phrase de Marcel Proust (puisqu’il faut appeler le narrateur multiforme par son nom), qui se termine par la phrase inscrite sur tous les recueils de citations : les vrais paradis sont les paradis qu’on a perdus. Mais les citationnistes oublient la longue phrase qui donne la saveur de cette salutaire affirmation : Oui si le souvenir grâce à l’oubli, n’a pu contracter aucun lien, jeter aucun chaînon entre lui et la minute présente, s’il est resté à sa place, à sa date, s’il a gardé ses distances, son isolement dans le creux d’une vallée ou à la pointe d’un sommet, il nous fait tout à coup respirer un air nouveau, précisément parce que c’est un air qu’on a respiré autrefois, cet air plus pur que les poètes ont vainement essayé de faire régner dans le paradis et qui ne pourrait donner cette sensation profonde de renouvellement que s’il avait été respiré déjà, car les vrais paradis sont les paradis qu’on a perdus.

Que sais-je de la minute présente ? Un moineau apparaît un insecte dans le bec quil sefforce davaler et, tuit tuit, le voilà disparu et pour léternité.

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ON VA Y ARRIVER

On va y arriver dit lératépiste sorti tout de go dun roman de Queneau On va bien voir si le chemin nous mène jusquà ce petit coin de lœcoumène où figuraient dans les premiers temps Adam et Ève On va tenter de franchir les cercles maudits pour arriver -peuchère- jusquau Paradis Une fable confirmée par une chiée d’auteurs vénérables dont Bède (suivi du même adjectif) qui aurait dicté cinq vers sur son lit de mort Mais aussi (la liste détient le record de la poésie des noms) Ephren de Philotorgios à qui lon doit la description la plus crédible de la montagne de lEden Et Jean Damascène de Damas comme son nom lindique qui mourut un 4 décembre le jour de Sainte Barbe (comme mon père qui sappelait Noël) Et Mosès Bar Céphas plus connu, selon Wikipédia, comme Moïse Bar Képha qui fut « périodente » (non périodiste) du siège de Tikrit Et Isidore de Séville pourtant né à Carthagène Et pour finir (momentanément) le plus célèbre dentre eux Augustin qui bien que persuadé quun ptit coin dParadis existait sur Terre expliquait dans ces célèbres apories du Temps que léternité ne pouvait quéchapper aux humains bornés Voilà on y est arrivé Raymond la Science (le surnom de Queneau, né des capacités dun Encyclopédiste toujours en quête de ses ignorances) aura pardonné ce parcours tortueux lui qui affirmait que LHistoire était la science du malheur des hommes.

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