Que sçais-je ? Formule choisie par Montaigne pour se désembourber de ses croyances trop affirmées Une interrogation sous forme de « devise, d’une balance » (sic), qu’il fit frapper sur une médaille en 1576.
Que sais-je d’aujourd’hui ? Ce mot qui le premier vient de se poser sur mon papier en soufflant sur les braises du jour naissant Je sais que l’aujourd’hui commence par le bruit de ma pointe fine au verso de la couverture d’un livre de poèmes que j’écrivis de 1970 à 1975.
Que sais-je des poèmes ? Je sais que j’en ai lu des milliers dont certains (mes phares) des dizaines de fois Je sais que moi aussi, j’en ai écrit un nombre incalculable, et publié dans quelques livres et maints recueils, qui sur le moment semblaient apporter mes grains de sel, mais qui se sont dilués, avec le temps, dans l’invisible.
Que sais-je du paradis ? J’en ai produit quatre pour Encres Vives, collection Encres Blanches (tout un poème). Mais à « la minute présente » je sors de ma bibliothèque (le lieu le plus propice à l’humain paradis), le livre contenant cette longue phrase de Marcel Proust (puisqu’il faut appeler le narrateur multiforme par son nom), qui se termine par la phrase inscrite sur tous les recueils de citations : les vrais paradis sont les paradis qu’on a perdus. Mais les citationnistes oublient la longue phrase qui donne la saveur de cette salutaire affirmation : Oui si le souvenir grâce à l’oubli, n’a pu contracter aucun lien, jeter aucun chaînon entre lui et la minute présente, s’il est resté à sa place, à sa date, s’il a gardé ses distances, son isolement dans le creux d’une vallée ou à la pointe d’un sommet, il nous fait tout à coup respirer un air nouveau, précisément parce que c’est un air qu’on a respiré autrefois, cet air plus pur que les poètes ont vainement essayé de faire régner dans le paradis et qui ne pourrait donner cette sensation profonde de renouvellement que s’il avait été respiré déjà, car les vrais paradis sont les paradis qu’on a perdus.
Que sais-je de la minute présente ? Un moineau apparaît un insecte dans le bec qu’il s’efforce d’avaler et, tuit tuit, le voilà disparu et pour l’éternité.
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