1 POURQUOI DITES-MOI SE FORMALISER De la bataille des vers souverains Quand passe une femme brune et plus belle Qu’un camion de pompier à Brooklyn Clean me dit un.e poète dont je tairai le nom Nom de Nom Mon nom est Personne C’est un épicène Suis-je homme ou femme ? 2 SUIS-JE HOMME OU FEMME JE LÈVE LE POUCE Je suis celle qui fut mendiante rousse Je suis celui atroce albatros Je me fie à l’écriture inclusive Sur le sable jeté.e je suis Adamève Camarade drôle tendre bucolique Filant la métaphore un poème à mes lèvres 3 UN POÈME À MES LÈVRES MES LIVRES DANS LA NUIT À l’index au secret suivis par une poignée D’exégètes des deux sexes Amoureux amoureuses Des formules où l’on traque l’ennemi Qui assassine la poésie Aimant plus que tout Le doute et les expériences en terres inconnues Exorcismes brisements navigations en nos espaces d’écritures 4 ESPÈCES D’ESPACES D’ÉCRITURES ÇA RAPPELLE LES ATELIERS Où chacun.e s’attelait à répondre à la consigne À la découverte en commun de sa singularité On partait à la chasse d’un gibier Qui sans cesse se dérobait Levant des lièvres Faisant sonner d’antiques cavatines Una voce poco fa qui nel cor me risuoño 5 « UNE VOIX IL Y A PEU FIT RÉSONNER MON CŒUR » Une voie en dalles de cristal de Bohème Alice y danse et se croit sur le pont d’Avignon Charmant les belles dames et les beaux messieurs Faisant des ronds des triangles des carrés Une voix de métal frappant sur la cloche De l’écriture un brin métaphorique 6 UN BRIN MÉTAPHORIQUE QUAND POÈMES MURMURAIENT Ô Saisons ô châteaux Ô Verlaine Ô Rimbaud Mais c’est fini tout ça C’est rangé dans les rayons des foires aux vins Château Eyquem Ou bien c’est une saison dans l’enfer de Star Academy Les vedettes télé montées sur leurs échasses Ne sont assises que sur leur cul 7 Promis juré 7 poèmes pas un de plus pas un de moins Écrits par Angèle et Ange de la Nuit sur la margelle D’une recherche plus théorique qu’il n’y paraît Avec sa part de travaux pratiques Bricolages ludiques : Comment sortir du labyrinthe Quand sans cesse bifurquent Temps perdu et Temps retrouvé ?
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UNE VOIX
Ainsi, qu’il laisse un nom ou devienne anonyme, qu’il ajoute un terme au langage ou qu’il s’éteigne dans un soupir, de toute façon le poète disparaît, trahi par son propre murmure et rien ne reste après lui qu’une voix, -sans personne. Jean Tardieu La voix, il suffit qu’on l’écrive, pour qu’elle se mette à exister. Une voix perdue, mais qui en douce, remue et entraîne ma plume (plumplum tralala) Une voix retrouvée et qui prend la forme…qui nous reste habituellement invisible, celle du Temps. 1 Une voix venue d’Homère, le Père du Grand Récit : Conte-moi Muse l’aventure de l’Inventif 2 Une voix qui parle d’abord au papier avant d’être libérée par l’inflexion des voix chères qui (hélas) se sont tues 3 Une voix dont le souvenir à la couleur du sable qui s’écoule grain à grain Une voix sans personne qu’affectionnait le poète Jean Tardieu Une voix unique que l’on lit la nuit au lit : Ô lit heureux l’unique secrétaire de mon plaisir 4 ) Une voix qui crissait sur l’ardoise et son alphabet Une voix enfantine dont j’ai perdu la clé Une voix collective jouissive dans la rue et sur les murs du Grand Mai Une voix étouffée par les mots de la tribu Une voix en allée sur les lèvres des trépassés 1 Marcel Proust 2 L’Odyssée (traduction Philippe Jaccottet) 3 Paul Verlaine 4 Rémi Belleau
UN SONNET ENCOR UN
Un sonnet encor un que Person’ ne lira
Excepté celui qui l’écrit sur son cahier
De contes à dormir la nuit dans ses blancs draps
Un sonnet de Bibi ex-Villon ex-Yéyé
Un jeu mais pas que marronne le père Homère
Créateur de Personne Ulysse l’Inventif
Ah si tu me voyais faire ces vers Ô Mère
Tu te gratterais à coup sûr tes derniers tifs
Des sonnets de mémoire j’en connais un moulon
Moulins à vent des nuits conteuses d’insomnies
Mais çuilà que j’écris en large zé en long
Même s’il disparaît n’est dû qu’à mon génie
Sonnet je suis sonné mais pas tout à fait seul
Quand Poésie s’endort le corps dans son linceul
8/8/2021
LA NUIT OÙ TOUTES LES FEUILLES DE MON ROMAN SONT REDEVENUES VIERGES 26,27,28
vingt-six
LE FEU QUI PARTAIT DANS LA CHEMINÉE DE MA CHAMBRE faisait un bruit de bataille. « Il rabâchait », verbe mystérieux écrit par un faiseur d’images et de littérature. Son texte, que j’avais en main, se déployait, entre détails naturalistes (braises, tisons, cendres) et pastiche ; le feu, tel un animal turbulent, ne tenait pas en place et sans l’arme d’un tisonnier, il aurait pu sauter sur une chaise, un fauteuil, à proximité. Celui par exemple, où je poursuivais ma lecture qui avait pris maintenant une toute autre tournure. Associée à un goût de cigarette méticuleusement roulée, elle me mettait en présence de cette jeune fille sautillante et désirée, qui à la fin du roman était devenue cette mère-grand, les cheveux plus blancs que neige.
Je fermais le livre, m’assoupis dans cette chambre séparée du reste du monde et vis le dessin d’une inconnue, beau et pathétique. Blanc sur noir, il va sans dire.
vingt-sept
JE SORS D’UN MONDE PROTÉGÉ PAR LE SOMMEIL, fût-il léger, comme un vin de champagne. Un monde où durant une courte absence, j’ai échappé à la perception du réel. Je lui ai tourné le dos. Je l’ai roulé dans la farine de rêves particuliers, qui reprennent parfois, pour les modifier, la dernière histoire lue avant l’endormissement, les images d’un film du soir, regardé sur l’écran plat du salon.
Je sors d’un monde où mon propre moi ressemble comme deux gouttes d’eau à celui qu’il était la veille, mais avec des ratés : je n’arrive plus à plaquer les accords sur ma guitare, je perds le contrôle de mon automobile et me retrouve en tête à queue, je feuillette mon livre de chevet dont toutes les pages sont redevenues vierges, j’écris une lettre à la hache (sic), à la diable (plutôt), au plus délicat des écrivains, surnourri par sa mère Jeanne, aux vers de la Tragédie ou à la langue ailée de l’Odyssée…pareille aux nymphes qui nourrissaient Hercule.
vingt-huit
« TA PAUVRE VOIX BRISÉE MEURTRIE »…ainsi le narrateur fait l’amère expérience des premières communications transmises par la voix au téléphone. Sa lointaine correspondante, sa Mère, qui quand elle écrit une lettre, sait cacher en une forme maîtrisée, ses joies et ses peines, ne peut, au téléphone, donner le change ; sa voix brisée, vaincue, traduit (trahi), la perte insupportable de sa chère mère, qui l’engendra et l’accompagna, intimement, tout au long (cours) de sa vie.
Et en effet, dans ces circonstances, on croit entendre pour la première fois cette voix lointaine, sans le secours du visage aimé à proximité, les caresses des yeux, le murmure de la bouche…
Oui, c’est parce qu’elle était marquée par l’âge, que le beau visage ridé de ma grand-mère, assise au coin du feu (le cantou), éclairait cette voix qui me racontait le passé retrouvé, me donnant l’illusion qu’elle ne serait jamais perdue, comme cette voix sans personne, que posait le poète Jean Tardieu, à la radio renaissante en 1945 (la date de ma naissance)… et sur le papier.
ma grand-mère s’appelait Germaine Vidal
J’ÉCRIS opus 17
J’écris comme un voleur
J’écris comme personne
J’écris comme une fleur
J’écris et je griffonne
J’écris sans respirer
J’écris et je mijote
J’écris sans fanfaronner
J’écris sans ma jugeote
J’écris au onzième étage
J’écris dans le troisième dessous
J’écris dans un fouillis réjouissant
J’écris sans connaître les affres de l’écriture
J’écris comme un menteur sacré
J’écris en relisant les autres
J’écris sans avoir de mentor
J’écris en évitant les notes
J’écris sans jamais raturer
J’écris en me moquant d’être à la page
J’écris sans fin
J’écris ayant toujours faim
J’écris d’abord et il m’arrive de penser ensuite
J’écris sans penser à rien de particulier
J’écris quand la ville dort
J’écris coquin de sort
J’écris en laissant des blancs
J’écris comme je ne suis pas un romancier
Sans voir un lieu des personnages
Une scène qui trotte dans ma tête
J’écris en changeant de stylo quand le mien se met à pâlir
J’écris en attendant que ça passe
J’écris jusqu’à la dernière goutte d’encre
J’écris atterré en revoyant les tableaux horrible de Goya
J’écris sans avoir réfléchi aux questions qui hantent les philosophes
J’écris en croyant voguer vers le Nouveau Monde
J’écris admiratif de ce mexicain qui avait pour nom Paz
J’écris en paix
J’écris libéré de mes nostalgies révolutionnaires qui me privaient de toute lucidité
J’écris en pensant que les monothéismes et les replis identitaires sont source d’intolérance et de guerres qui font le malheur des peuples
J’écris en fin de compte en oubliant ce que je viens d’écrire pour chercher à faire mieux demain
J'écris Fraternité