LES BESOINS ÉLÉMENTAIRES


J’ai besoin de lire des lignes
de poètes pouets pouets en ligne

J’ai besoin d’écrire des lignes
qui bêchent sarclent et qui vrillent

J’ai besoin de lire et d’écrire
le grain des mots et leur farine

J’ai besoin de moments digne
d’une vie arrivée au port

J’ai besoin de recueillement
de colliger les traces de mes insomnies

J’ai besoin de ne pas abandonner
Mes poèmes à leur sort

Et de compter sur eux
Au-delà de ma mort

25 avril 2023

ma lecture du 30 avril 2023 à 11h00 pile

LECTEUR FACE AU PELOTON D’ÉXÉCUTION

COMMENT FAIRE LIRE MES ENFANTS me demandent désappointés des parents qui ne lisent jamais en présence de leurs enfants Comment faire lire mes parents questionne espiègle cet ado plongé dans la lecture au long cours de l’Idiot Comment ne pas mettre sous les yeux des non-lecteurs cette phrase d’un certain Charles Louis de Secondat de la Brède plus connu sous le nom de Montesquieu :   L’étude a été pour moi le souverain remède contre les dégoûts, n’ayant jamais eu de chagrin qu’une heure de lecture m’ait ôté Comment cette lecture peut-être aussi déroutante que cette Esquisse d’une psychologie liminaire à travers une porte fermée : -Qui est-ce ? C’est toi ? -Oui c’est moi, c’est moi : c’est bien moi, ton ogre et ton silence, ton abîme et ta vie, ton inconnu, ton dieu, ton épouvante. Comment ne pas aimer ces écarts de langage, bleu angélus, jardin de l’espérance qui se dissout en une palpitation de rayons d’argent et de pétales de roses Ou bien poésie pure, « cette longue hésitation entre le son et le sens » Et face « au peloton d’exécution » quelle sera cette dernière phrase qui me viendra en tête in extremis ? avec Jean Tardieu, Mallarmé, Marcel Proust, Valéry et l’incipit de cien años de soledad : Muchos años después, frente al pelotón de fusilamiento, el coronel Aureliano Buendía había de recordar aquella tarde remota en que su padre lo llevó a conocer el hielo ». Bien des années plus tard face au peloton d’exécution, le colonel Auréliano Buendia, devait se rappeler de cette étrange soirée au cours de laquelle son père l’emmena faire connaissance avec la glace.

LES ÉLUBRATIONS DE PAPA-LONGUES-JAMBES

LIRE EN S’ENDORMANT S’endormir en lisant Ce livre me tombe des yeux Mais arrête de lire tu vas te crever les yeux Mais si ça me plaît à moi madame ma mère l’Oye de me promener à part dans le ventre d’une baleine ou de me casser la figure en riant comme Bergson Personne ne m’oblige à suivre les élécubrations de Bouvard et de Pécuchet son compère (correction : les élucubrations faut-il écrire de lucubrum petite lumière) Une petite élucubration pas trop sotte émaillée de citations variées pour montrer qu’on connaît son Littré : ce mot ne se dit guère qu’au pluriel et souvent dans un sens moqueur Les Élucubrations d’Antoine parbleu ! Ma mère m’a dit Antoine fais-toi couper les ch’veux Oh ! Yeah ! Et pendant ce temps une école du Tennessee tenue par des parents qui croient que seul Dieu a pu créer la Terre en 7 jours interdit Maus la BD sur la Shoah d’Art Spiegelman une décision digne des bannissements de livres et autodafés des Nazis digne des tueurs islamistes des dessinateurs de Charlie Et pendant ce temps (car il faut essayer de se sortir de cette mélasse noire des temps présents) je relis à grandes enjambées Papa-Longues-Jambes Un bienfaiteur anonyme offre à une jeune orpheline qui étouffe entre les quatre murs de son foyer de l’envoyer à l’Université en échange elle lui écrira chaque mois une lettre lui donnant des détails sur ses études et le déroulé de sa vie « Vous citerez des exemples tirés de votre expérience personnelle » (c’est bon je vais y penser mais en attendant mon livre tombe au pied de mon lit Il est temps de me rendormir en évitant surtout de faire des réflexions sur ce que je viens d’ingurgiter)

JE LIS DES POÈMES

Je lis des poèmes sortis de derrière les fagots

Je lis des poèmes attachés aux cornes d’un taureau

Je lis des poèmes en mâchant l’herbe blonde de l’altiplano

Je lis des poèmes de Condor cassant les os des vigognes

Je lis des poèmes de poupées gigognes

Je lis des poèmes à l’enfant qui pleure la mort de Pacha Mama

Je lis des poèmes sur les murs de Mai Mai Mai Mai Paris Mai

Je lis des poèmes à la lune faucille et à la petite vieille de l’Ehpad devenue marteau

Je lis des poèmes aux saules et aux lézards sur ma page-pleuroir

Je lis des poèmes de chamans faisant leurs demandes aux Esprits du Monde Autre

Je lis des poèmes maladroits comme écrits au lance-pierre

Je lis des poèmes du Monde Entier au cœur d’une planète à feu et à sang

Je maintiens vaille que vaille le mouvement millénaire des Alchimistes d’un Verbe

toujours à réinventer

UN POÈME À LIRE LES YEUX FERMÉS

J'écris comme un délire ce vers à goût de nuit
Puis cet autre oubliant sur ma lyre qui je suis

J'écris ce poème désuet sans attrait
dans le désert
Sans mes absents et mon absente
à grands traits

J'écris avec mon nouveau stylo Stabilo
(pour surfaces lisses, papier, verre, métal)

J'écris par intermittence mais sans ratures
Une présence qui essaie d'oublier toute littérature

J'écris en feuilletant des livres, en général
Ô lit heureux l'unique secrétaire de mon plaisir*

Et j'écris en particulier sur des livres que personne plus ne lit
à part ceux et celles qui côtoient des rimes à n'en plus finir

J'écris à voix basse ou de cette voix sans personne
qu'affectionnent les poètes qui privilégient la mise en page

J'écris cette quinzième ligne qui atteint la limite
de ce poème à lire...les yeux fermés

*Rémi Belleau (1528-1577)



une voix féminine sans personne lit ce poème à écouter les yeux fermés