Un coupeur de cheveux en quatre un amateur Qui use d’écharnoir pour tailler son poème Et la toile émeri pour gratter les hommages Loin du poète à luth ou du joueur de go Une bouche avalant à grands traits la lumière Et non « la bouche d’ombre » d’où sort Victor Hugo D’une vieille maman un fils de tortillance Qui enroule ses vers de mille impertinences Un engendreur de bric de Bonnard et de Braque Poète trimégiste Hermès patron des scribes Ses ailes de géant se mettant à marcher Parcourant tous les rhumbs de l’un à l’autre pôle Tenant à bout de main la plume flegmatique Repoussant les sanguins bilieux mélancoliques Aimant les chats du Parthénon de l’Acropole Maniant les vers blancs les dés les diatribes Donnant la nourriture aux hommes égarés Aux enfants des eaux et des airs aux doux Lettrés Et d’un vers à un autre halant tous les lecteurs Des coupeurs de cheveux en quatre des amateurs italiques Queneau Petite Cosmogonie Portative 6° et dernier chant
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ADRESSE D’UN POÈTE ALGORITHME ALCHIMIQUE
En lisant Petite Cosmogonie Portative Troisième chant les italiques sont de Queneau Adresse du poète algorithme alchimique Le facteur de ma rue a du mal à trouver Mais je suis à l’affût quand je l’entends passer Coucou oui c’est bien moi le poète Machin Tailleur de métaphores Algébreur d’émotions Je lui signe un reçu dont il fait la photo Qu’il envoie illico aux frères planétaires Et aux sœurs sans sornettes amoureux comme moi Du vierge du vivace et du bel aujourd’hui
J’EXHUME LE CORPUS
J’exhume le corpus de poètes inconuu.e.s
Tous anticonformistes Toutes trouvères nues
Nues mais jamais obscènes Nus devant l’art de dire
De chanter de danser de composer couleurs
Et formes Bref d’habiter la terre en poètes
Seul.e.s et avec les autres Avec le difficile
Art de mêler la Joie aux règles contraintes
Chansons d’amour sans espérance mais avec force
Forces us et matières et savantes manières
De tourner chaque vers De trouver la complainte
Les prouesses du cœur et l’élan des amorces
Concordances des temps Chocs et épiphanies
Mon espace compté libère ce corpus
L’étendue engendrée par ma plume inconnue
LES POÈTES TRAQUÉS PAR LA POSTÉRITÉ
LES POÈTES TRAQUÉS PAR LA POSTÉRITÉ C’est vraiment formidable de relire les poètes traqués par la postérité Et qui lui disaient merde et remerde 1 Avec une plume d’oie Glissant sur le papier Ils torchaient leurs poèmes sous un grand chêne Un chien à leur pied les protégeaient des bûcherons et de leur cognée C’était bien avant les tronçonneuses, l’abattage, le débitage, l’ébranchage, l’élagage, Qui ont produit ces textes dénués de toute poésie. Triste histoire Mais que l’on oublie En se replongeant Dans les poèmes Écrits à la plume Et au doigt Toute une allégorie ! 1Raymond Queneau
LE DERNIER POÈTE DU BLED
Éviter le lieu commun c’est toute l’essence de la poésie a dit en vers boiteux le dernier poète du bled (forcément inconnu dans la capitale) Il l’a dit à Didi en personne, slui qui dans En attendant Godot, joue le rôle de clochard céleste : « -Peut-on savoir où mossieu a passé la nuit ? -Dans un fossé. -Et on t’a battu ? -Si. -C’étaient les mêmes ? -Oui, toujours les mêmes. » On était loin du petit chant de flûte, qui accompagnait les poèmes des années bucoliques. C’était avant les transistors et au théâtre ce soir à la télévision. Le dernier poète referme son Bled Sa dernière ligne flotte dans sa tête Mais nul ne la connaîtra Et surtout pas les esthètes !