À écrire on s’expose décidément à l’excès. Henri Michaux Que c’était bien bon dieu Ces vaches de poèmes Écrits à la va vite Sur un bout de papier Une nappe de restau Ou l’écorce d’un chêne Enchaînés enrythmés Enlyrés et légèrement (pour rire) empapaoutés C’était vachement chouette La tournée des grands ducs Sur la page nocturne L’impro des normaliens de la rue d’Ulm, la turne de Queneau ou Tardieu Ces rémouleurs sublimes De rimes jouissives C’était (faut-il qu’il m’en souvienne) La Li-Bé-Ra-Tion C’était après la guerre (La seconde qui succéda Allez savoir pourquoi à la der-des-ders) Mais putain d’empire russe Avec son chien Poutine Aux babines sanglantes Voilà qu’ça recommence Fini de rigoler Il nous fait une Michaux Ces villes de loques Et son Ecce Homo Je n’ai pas vu l’homme répandant autour de lui l’heureuse conscience de la vie Mais j’ai vu l’homme comme un bon bimoteur de combat Répandant la terreur et les maux atroces Ecce homo (1943)
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À PAS DE MOUCHE
C’est encore une drôle d’histoire ça, dit Saturnin. On se crée avec le temps et le bouquin vous happe aussitôt avec ses petites paches de moutte. Queneau à pas de mouche je fais ma page distrait par les présences d’êtres qui ont depuis longtemps disparus je fais ma page en les revoyant dire leurs vers préférés appris par cœur en leur enfance petites graines de poésie qui germent croit-on des siècles après après avoir rencontré une page où, comme c’est étrange, un étranger, un maladroit,1 à pas de mouche traça ces vers en souvenir d’Une qui disait avec ferveur ses poésies aimées depuis l’enfance à pas de mouche je fais ma page à pas de mouche la page me fait* *Je n'ai pas plus fait mon livre que mon livre m'a fait. Michel de Montaigne 1 Léo Ferré La vie d’artiste
SI ON NE SAIT Y RÉPONDRE ON PEUT ZAPPER CET ÉCRIT
on ne cesse jamais de répondre à ce qui a été écrit hors de toute réponse : affirmés puis mis en rivalité, puis remplacés, les sens passent, la question demeure… Roland Barthes le cri l’écrit sur le papier et dans la nuit le cran l’écran ça va cranter dit le mécréant tout en créant cette variation digne de Rabelais de Perec de Queneau et de tous les dicos d’onomatopées c’est du blabla mais c’est d’un clic que dame souris envoie cet écrit apparaître sur l’écran énigmatiquement
SONNET DES PETITES FLEURS BLEUES
Une couche de vase couvrait encore la terre. Mais, ici et là, s’épanouissaient déjà de petites Fleurs Bleues. Raymond Queneau Rêver, faire des calembours, des canulars et des calembredaines. Rêver, faire des exercices de style et de pensée, où chaque rêve rend inutile les clefs du rêve précédent. Rêver, en s’oubliant sous les ailes d’un papillon, dans les pas perdus du hall de la gare Saint-Lazare, dans les eaux fortes d’André Masson. Rêver dans les livres d’images qui nous échappent des mains avant de nous en aller au royaume des quatre sans cous. Rêver, et dans la boue des histoires embrouillées, faire pousser pour nous régénérer, les petites fleurs bleues.
UNE FICTION brume insensée où l’on cherche son inspiration 35, 36, 37
trente-cinq
EN CE MOMENT J’ÉCRIS COMME JE RESPIRE. Et je respire selon l’attention que je porte à ma respiration. La plupart du temps, aucune.
Mais la nuit, en revanche, après avoir passé une heure à écrire comme je respire, toujours au lit et appuyé sur mon oreiller, quand j’arrête le flux, éteins la lampe de chevet, je m’aide pour tâcher de me rendormir, de l’attention que je porte alors à ma respiration (inspiration, expiration), faisant ainsi barrage aux pensées qui essaient de traverser mon esprit.
-Alors, avant de plonger dans ton sommeil qu’as-tu écrit cette nuit ?
J’ai écrit ce que personne ne lira jamais dans les écoles.
J’ai écrit, comme je les ai lus, plusieurs textes en un, ouverts à l’interprétation et aux malentendus.
J’ai puisé de mémoire dans mon rouleau de citations long comme les Champs Élysées un 14 juillet.
J’ai écrit comme je respire et sans masque à papier.
trente-six
JE ME RÉVEILLE, ce vendredi 2 octobre 2020, et je n’ose ouvrir mes volets, car j’entends le vent de la mer, prélude à une tempête.
Aussi, avant d’avaler mon petit déjeuner, j’avale les phrases d’un romancier catalan écrites en espagnol (castellano), extraites d’un roman dont le titre est puisé dans le début d’un vers de Raymond Queneau.
Non l’original « cette brume insensée », mais sa traduction.
Je lis, laissant aller, m’amusant des embrouillaminis dessinés par ce narrateur fictif, qui pour vivre, au sens littéral de gagner sa croûte, fait deux métiers à nul autre pareils.
1 Celui de « traducteur préalable », il prévoit les difficultés de traductions, qu’il envoie au traducteur vedette, dont le nom paraîtra sur la première page.
2 Celui de fournir des citations (son dada), toujours de manière subalterne, à un auteur « star » de la- littérature-qui- se-vend.
Bon, il est temps d’ouvrir mes volets parme, et d’éviter, le temps de refermer ma fenêtre, la bourrasque.
trente-sept
C’EST QUAND ON EST PERDU dans une forêt ou un texte touffu, que l’on fait appel à un souvenir heureux, une maxime, une citation, un instant précieux que l’on vécut comme une épiphanie.
Je sais bien que ce début fait un peu charabia mais je l’ai écrit. Et en l’écrivant, j’ai entendu « le mobile » qui m’annonçait un nouveau message :
Le romancier ne doit pas être un donneur de leçons, mais à partir de ce qu’il « détecte », poser
les bonnes questions. »
Je traduis de l’espagnol une phrase supposée dite par l’auteur « d’Orange Mécanique ».
-Gracias Enric, te contesto muy pronto. (Merci Henri, je te réponds bientôt)
Ça a été ma première idée d’un e-mail immédiat, mais réflexion faite, et compte tenu de la situation
brumeuse dans laquelle j’étais pris, j’ai ricoché vers mon vieux Queneau. (vieux comme un breuvage
qui s’améliore avec l’âge). Et, hasard des recherches, j’ai fait d’une pierre deux coups.
« Cette brume insensée où s’agitent des ombres, comment pourrais-je l’éclairer ? »
La phrase écrite par Raymond Queneau est mise en exergue par Georges Perec, W ou le souvenir d’enfance 1975, et par Enrique Vila-Matas, qui, de plus, a fait des trois premiers mots, le titre de son roman « Esta bruma insensata » 2019.