ALORS QU’EST-CE QUE T’AS ÉCRIT CETTE NUIT? 9 Remue-ménage Remue-méninges

REMUE-MÉNAGE REMUE-MÉNINGES GRANDS ENFANTS ET GRANDS MALADES

-Alors qu’est-ce que t’as écrit cette nuit ? -Des mots venus de ma main qui écrit, puisés dans mes dictionnaires et dans mon encyclopédie portative (mon Ipad). -Comme chaque nuit quoi ? -Oui, mais sans oublier leurs combinaisons neuves, leurs connections avec ma vie propre et ses représentations mentales, en mouvement, les mots effervescents, pris dans une sorte de chassé-croisé, entre leurs sons et leurs sens, et enfin la prise en compte du lieu où j’écris mes proses inspirées ou mes balivernes. -Remue-ménage, remue-méninges, comme nous disions du temps de nos ateliers d’écriture. -Dans le pur loisir apparenté au sommeil où nous n’avons de compte à rendre à personne. Sauf au psycaca, si on le malheur de lui livrer à tout va, nos paroles qu’il accueille moyennant finance, assis derrière son divan. -Tu exagères, tu sais bien que ça peut soulager. -Tu as raison. J’ai eu une enfance trop heureuse (j’ai failli écrire paradisiaque). Mais je n’ignore pas non plus l’énergie déployée par les grands malades capables de sortir de leurs souffrances en inventant musique après musique, poème après poème, roman après roman : Nous goûtons les fines musiques, les beaux tableaux, mille délicatesses, mais nous ne savons pas ce qu’elles ont coûté à ceux qui les inventèrent, d’insomnies, de pleurs, de rires spasmodiques, d’urticaires, d’asthmes, d’épilepsie, d’une angoisse de mourir qui est pire que tout. Marcel Proust

rhombe vrombissant dorio 26/04/2023

DANSON LA GIGUE DES HAÏKUS

20 La vie orpailleuse Empoisonne la rivière Des Yanomamis

21 Dansons la gigue Disait dans Streets Paul Verlaine C’était à Soho

22 Je m’éveille las Fatigué de ruminer En perte d’amour

23 Bruit fait bruissement Le vent court sur le peuplier Le saule pleureur

24 Marcher sur la grève Porter un livre de sable Un grain de folie

25 Entre mots et maux Un dictionnaire à part moi Mes pas de côté

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LE DICTIONNAIRE D’UNE VIE

Chacun porte en lui un dictionnaire, le dictionnaire d’une vie, attribuable de l’extérieur à plusieurs individus, mais que l’écriture personnelle rend étonnamment « singulière ». Devenu en lisant, « le lecteur de soi-même », puis, en écrivant, le témoin des conflits entre mémoire et oubli, petite histoire et Histoire « avec sa grande H », faire vraiment « un dictionnaire à part soi », permet, échappant à toutes les entreprises d’un moi identitaire (la plaie de nos démocraties), de réactiver les seules questions qui devraient compter dans nos sociétés sans boussoles : qui suis-je ? et que sais-je ? C’étaient les questions posées par l’auteur des Essais, qui consacra le meilleur de sa vie à chercher, non sans se contredire, des manières de vivre, nous affranchissant de toute contrainte provoquée par « l’ego » : un parler ouvert ouvre un autre parler, comme fait le vin et l’amour.

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DANS LE SOLEIL DE RESSEMBLANCE

Il voit les soleils se coucher
dans le soleil de ressemblance
                René Nelli
                   
Je mange à petit feu le dictionnaire rare
Les lignes manuscrites de quatre en quatre vers
Impeccables pour le rythme le compte des « e » muets
                       
Le dictionnaire rare des fleurs en leur courtil
Du torrent désentravé des prisons abracadabrantes*
            
Sous le lyrisme affirmé les cycles naturels
Les images la respiration verbale
L’amour métaphysique se heurte au néant
                    
On voudrait l’oublier s’interdire ces grands noms
Depuis longtemps brisés par les modes éditoriales
                   
Mais maladroitement nous sommes entraînés
La main court sur la feuille 
Grattant le palimpseste insomniaque
Qui nous ressemble
                          
 
*René Nelli (La vie que s’interdit la vie) 
Collections manuscrits Encres Vives 1969

la main court sur la feuille grattant le palimpseste insomniaque Dorio : Miroir de Miró

PHÉNIX

En procédant à l’impossible rangement des livres de mes bibliothèques, j’ai effacé tous les noms d’auteurs. Des voix anonymes s’élèvent du papier, images de l’évidence poétique ou paroles qui peu à peu s’éteignent.

À la fin, ma librairie est réduite à une planche branlante de cerisier.

Le peu de livres réunis ont retrouvé un auteur unique refusant de mourir ;

Oiseau des vents, pierre vive, arbre enchanté, métaphores vives embrasant Phénix.

Jean Jacques Dorio <doriojeanjacques@gmail.com>)

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