Un coupeur de cheveux en quatre un amateur Qui use d’écharnoir pour tailler son poème Et la toile émeri pour gratter les hommages Loin du poète à luth ou du joueur de go Une bouche avalant à grands traits la lumière Et non « la bouche d’ombre » d’où sort Victor Hugo D’une vieille maman un fils de tortillance Qui enroule ses vers de mille impertinences Un engendreur de bric de Bonnard et de Braque Poète trimégiste Hermès patron des scribes Ses ailes de géant se mettant à marcher Parcourant tous les rhumbs de l’un à l’autre pôle Tenant à bout de main la plume flegmatique Repoussant les sanguins bilieux mélancoliques Aimant les chats du Parthénon de l’Acropole Maniant les vers blancs les dés les diatribes Donnant la nourriture aux hommes égarés Aux enfants des eaux et des airs aux doux Lettrés Et d’un vers à un autre halant tous les lecteurs Des coupeurs de cheveux en quatre des amateurs italiques Queneau Petite Cosmogonie Portative 6° et dernier chant
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SONRIENTE PUDOR
L’Unique en nous qui sait où il est ? Les cris, l’écrit d’un instant en suspens, en présence des quatre horizons et des cinq sens inapaisables. L’Unique en nous qui se manifeste en un souffle de vent soudaine 1, la goualante d’un gabian 2 des Martigues, l’inflexion des voix chères qui se sont tues. 3 Ce vers familier, « étrange » qui soudain pénètre notre vie présente, pour « Une minute d’éternité » 4 Et maintenant c’est sonriente pudor 5, traduisant le stoïcisme mélancolique d’un auteur dramatique né « indien » (c’est-à-dire dans les « Indes » du Mexique actuel). « Une pudeur souriante » qui occupe cet instant présent, marqué par le chant d’un bouvreuil coloré sautant de branche à branche sur une haie de pittosporum. La voix de la factrice nommant ce retraité non factice, cet écrivant suspendu au désir et au plaisir d’élaborer au mieux, et dans un temps qui n’est jamais compté, ces écrits paradoxaux qu’il se donne parfois l’illusion d’appeler « poèmes ».
1 Brassens (Dans l’eau de la claire fontaine) 2 Nom local du goéland. 3 Paul Verlaine Mon rêve familier 4 Jean Jacques Dorio Une minute d’éternité Librairie-Galerie Racine Paris 2008 5 Juan Ruiz de Alarcon (1581-1639)
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L’ŒIL MARRON AVEC UN PEU DE VERT
Je m’aperçois ce soir que mes travaux divers Ont omis du portrait de ce faiseur de vers Qu’il avait l’œil marron avec un peu de vert Plaisanterie à part le même entre deux verres Aimait pincer sa lyre sur un chant du Cap Vert Une morna sodade nostalgie au grand air Où l’on pleure et l’on rit comme faisaient trouvères Qui enchainaient leurs rimes, été, printemps, hiver.
À PAS DE MOUCHE
C’est encore une drôle d’histoire ça, dit Saturnin. On se crée avec le temps et le bouquin vous happe aussitôt avec ses petites paches de moutte. Queneau à pas de mouche je fais ma page distrait par les présences d’êtres qui ont depuis longtemps disparus je fais ma page en les revoyant dire leurs vers préférés appris par cœur en leur enfance petites graines de poésie qui germent croit-on des siècles après après avoir rencontré une page où, comme c’est étrange, un étranger, un maladroit,1 à pas de mouche traça ces vers en souvenir d’Une qui disait avec ferveur ses poésies aimées depuis l’enfance à pas de mouche je fais ma page à pas de mouche la page me fait* *Je n'ai pas plus fait mon livre que mon livre m'a fait. Michel de Montaigne 1 Léo Ferré La vie d’artiste
JE FAIS DES LISTES

Je fais des rêves qui me font et me défont Je fais des fièvres des maux de tête des quintes de toux Je fais des poèmes des mots de rien de doutes et de secrets Je fais des prières au Grand Manitou et à la déesse Raison Je fais des délices à goût de réglisse et de calissons Je fais des bêtises des blagues et des pastiches Je fais des vers qui se brisent à l’hémistiche Je fais des listes répétitives sur mon arc musical Kits de survie ouvertes à tous les sens