SI ÇA VOUS CHANTE une nuit au cabaret Untel

9 SI ÇA VOUS CHANTE Au cabaret « Untel » – un clin d’œil au côté antiintellectuel de la boutique (une cave plutôt) -, ça fredonne, ça trinque et ça fumaille, mais aussi ça sait se taire pendant la chanson de trois minutes qui étreint les cœurs ou fait rire les gorges, qui mouille les yeux et fait oublier le temps perdu à déplorer les misères de la vie, Et vie ô ma misère.  Chansons de poètes dit l’affiche peinte en rouge et noir par Brougeilles de l’Adour, un nom hérité de la Révolution Française. Voilà Un enfant a dit (« c’est leur innocence qui est parfois accordée au poète » a écrit Queno, l’auteur de la chansonnette), et voici, a continuacion, Sourde est la nuit et Tuileries (« Morte est la Seine Morte est Paris). « Et maintenant chers Untéliens, chères Untéliennes, dit l’A nimateur de la soirée, un peu de de gouaille, de gaîté et d’alacrité, avec les chansons de notre ami Jacques, interprétées par les Quatre Chevelus.  En sortant de l’école, Chanson dans le sang, Chasse à l’enfant, Le cancre, Page d’écriture, L’orgue de Barbarie, La complainte de Vincent, Et la fête continue. Pour faire passer les romances, Paulette et Saturnin boivent des verres. L’une avec ses copines, Françoise, Véronique, Arlette, Simone et Michelle, la petite bande des jeunes filles à chemises à fleurs et à jupes plissées qui descendaient aux chevilles (avant la mini). Elles ont perdu Aline une nuit que la mer en furie a effacé sur le sable son doux visage qui leur souriait. Ce que c’est tout de même que de nous, dit Paulette, un brin percutée par les paroles d’un nouveau chanteur aux allures de gorille. Saturnin durant ce temps a été accaparé par un copain d’enfance, un nommé Tesson (il est interdit d’ajouter, même en pensée, « comme une bouteille cassée). Et voilà, autour de minuit, les poèmes chantés, sortis des pages de livres, absents des librairies, « retombent dans leur effritement de leurs caractères d’imprimerie », encore une phrase du poète de Si tu t’imagines. Ça a été la chanson conclusive. Finies les cours de récrés d’enfants délurés et le teint rose des jeunes filles en fleurs. Xa aurait pu durer un peu plus, un peu plus longtemps, longtemps, longtemps, longtemps, avant que les poètes aient disparu.

Roman en cours d’écriture (chapitre 9)

LES MARTINETS NOIRS

LES MARTINETS NOIRS SONT EN VOIE DE DISPARITION comme les poètes d’aujourd’hui victimes de l’erradication des passeurs de poésie dans la presse et à la télévision Victimes de la récurrence des épisodes caniculaires qui mettent le feu aux arbres et à cette forêt de symboles que chantait le poète des Correspondances Victimes des rénovations des bâtiments qui réduisent les possibilités de se nicher sous les ardoises du toit sur lesquelles Reverdy écrivait (plupart du temps) ses poèmes

hypnographies détails 19/02/2023

AU FIL DE L’ÉCRITURE

Au fil de l’écriture celle qui tient à bonne distance nos paroles en l’air Au fil d’un texte qu’il faut longtemps pour apprivoiser pendant que l’on regarde en attente des premiers mots venus des dieux sa page vierge avant de la voir telle une feuille commencer à bouger Au fil de la nuit en soi que l’on transforme en page d’écriture appuyé sur ses livres curieusement dédicacés : À Jean Jacques Dorio, ce poème de nature, sans oublier les hommes, leur furie et leur « sac de peau ? » 1 Au fil de la plume en absence de toute pression de toute lettre à envoyer d’urgence poste restante au paradis de nos disparu.e.s Au fil des mots qui cependant parfois comme par miracle parviennent à peupler la page d’un livre imprimé pour une centaine de lecteurs qu’on aimerait voir face à face et remercier un à un une à une Au fil de la saveur d’un réel inédit inutile et savoureux partagé avec les poètes couchés sur les livres scolaires et nos ami.e.s d’aujourd’hui désormais presque clandestins dans la nuit noire d’une société qui ignore leurs écrits Au fil des guillemets et des Guillemettes de nos amours d’antan et de nos futurs fragiles portés par nos petits enfants Au fil de cette écriture désordonnée ombre portée au verso d’une page qui fut en 1975 la couverture de notre premier livre de poèmes 2 publié chez l’éditeur parisien P.J. Oswald

1 Antoine Emaz 9 juin 2017 dédicace sur un exemplaire de Poème au calme (illustré par Titus Carmel)nb l’expression platonicienne « sac de peau » avec l’ébauche d’un curieux point d’interrogation  lui avait été suggéré par moi-même , car Emaz au lieu de se précipiter pour sa dédicace prit le temps, tout en roulant sa cibiche, d’échanger quelques paroles avec son dédicataire.

2 ITINÉRAIRES Jean Jacques Dorio graphismes de Claude Brugeilles

https://www.leseditionsdunet.com/livre/un-dictionnaire-part-moi

ASSEZ D’ACTIONS DES MOTS !

Assez d’actions des mots !
Tracés à l’encre sympathique
Sur les tombeaux des poètes
Avides
De laisser un message ultime
Enfin débarrassés de leurs tics et retics :

Textes sans e (sans eux, sans elles)
Sonnets de voyous transformés en voyelles
Rimes équivoquées
Muse sans cesse invoquée
Avec des Ô
Et des métaphores filées
Albatros fracassés sur le pont de vaisseaux fantômes
Poèmes maudits planqués dans leur tiroir
Ou dans une malle Pessoa

Et même- pour en finir avec le jugement des dieux lecteurs -
le tic suprême :
juste avant leur dernier Grand Couac
où ils mirent à l’encan 
anaphores, hypozeuxes, hyperbates (ou rallonges) , asyndètes, chiasmes…
et autres tropes que les derniers saltimbanques des Figures
ajouteront d’instinct à cette liste
pour l’étrangler !

DIX POÈTES HORS COMMERCE

Le poète ne rêve pas, il traduit ses rêves, il se situe. Il se définit par rapport aux mondes. 
Celui dans lequel il se trouve par hasard, et ceux qu’il découvre : le monde qu’il subit et celui qu’il désire.

Claude Michel Cluny
Cent poèmes pour ailleurs
Edition Orphée La Différence
(1991)


Les poètes qui publient leurs plaquettes « hors commerce »
Font la Différence
Ailleurs toujours ailleurs :

Dans les prairies lyriques
Les trains mouillés qui passent dans les champs
Les villes volantes
Ou à Harlem 
la vision de cette admirable bambochade qui résume l’école flamande

Et dans un autre registre les voilà revenant des îles de Lérins
Des rêves d’eucalyptus et de cistes en tête
Ou bien dans un bureau d’armateur
Ils regardent mélancoliquement 
La neige tomber sur Shangaï

Poètes hors commerce des éditions Orphée
Noyés dans des bars d’après-midi
De Stockholm à Philadelphie
Concevant sur leur page 
Les phoques gras comme des métaphores
Ou bien encore
Rose sur rose, la Venise du matin toute en pointe de seins

Et moi et moi, comme un Chinois, me voilà feuilletant cette anthologie disparue,
Assis sur une panne, oyant le clapotis de la mer sur les barques pointues,
Dans le port de Carro où habite, m'a t'on dit, le poète André Ughetto.


Dans l’ordre d’apparition des citations : Guillaume Apollinaire, Henry Bataille, Marcel Béalu, Aloysius Bertrand, Daniel Biga, Louis Brauquier, Bernard Delvaille, Luc Durtain, René Guilleré…