DÉFENDEZ-MOI DE MOI

-Mais quel est ton secret ? Je nai pas de secret, sauf celui de refuser de me prendre pour quelquun qui chaque nuit écrit ses secrets.

« Défendez-moi de moi » ai-je lu, peut-être chez Montaigne, sûrement (en traduction) chez quelque autre auteur de conséquence écrivant dans la langue de Cervantes.

Celui qui écrit sur la mémoire, le temps, loubli, la répétition, le mouvement, la nostalgie du présent, je fais comme si je ne le connaissais pas personnellement, comme si jignorais ce quil avait déjà écrit sur ses cahiers, petites cartes blanches ou colorées, et même, ça peut arriver, sur un livre affublé dun nom dauteur, pour la commodité.

Bref, toute image renvoyée par les autres, ne rencontre jamais mon assentiment, ou plutôt, vous laurez peut-être compris, je les prends toutes pour argent comptant. Tous ces registres, tous ces costumes, tous ces personnages représentés par un seul acteur, une seule actrice (je songe à Isabelle Huppert, un modèle en ce domaine), tout ce mixte, ce kaléidoscope, cette machine à produire mille visages

-Alors, la prouesse est à tous ! conclut avec malice mon questionneur de secrets. La prouesse cest lallégresse de remettre une pièce dans la machine littéraire de nos désirs inassouvis.

https://www.leseditionsdunet.com/livre/un-dictionnaire-part-moi

À CORPS PERDU

L’oubli est le plus court chemin dans le labyrinthe dressé par la mémoire La mémoire du temps perdu cherchée dans l’espace d’un texte romanesque où le narrateur se lance plume en main toutes les nuits sur chaque page à corps perdu À corps perdu est peut-être une métaphore : les esprits perspicaces y détectent des similitudes entre des choses qui en apparence sont très éloignées l’une de l’autre À corps perdu rien d’impossible : les rêves que j’écris en comptant les syllabes / le crissement du stylo feutre sur la feuille à fort grammage / les lièvres que la prose poétique lève / les paroles entendues dans la rue transformées en figures / et tous nos impensés qu’en d’autre temps nous appelions nos points aveugles

L’oubli, le court chemin, les longs détours romanesques, le labyrinthe, la mémoire à corps perdu, les exercices d’impensé, tout ce qui à la longue constitue un dictionnaire à part moi.

https://www.leseditionsdunet.com/livre/un-dictionnaire-part-moi

OUBLIER SES OUBLIS

J’ai idée cette nuit d’écrire sur l’oubli. Ça m’est arrivé bien des fois, mais il faut croire qu’avec un pareil exercice, on n’est jamais sorti de l’auberge. L’auberge de la mémoire où, dans quelque pièce cachée, on accumule ses oublis : un mot au bout de la langue, le nom d’un camarade qui fréquenta la même école primaire, le souvenir d’un temps que les moins de (quatre) vingt ans ne peuvent pas connaître. Pourtant si jadis, naguère, on l’a noté et conservé dans un cahier, un memento, on peut le retrouver, ce souvenir dont on ne se rappelait plus. Mais, pourvu que l’on désire faire encore mouvement dans ce qui nous reste de vie, on lui dit définitivement, Adieu !

ASSIS SUR LA COLLINE

manuscrit premier jet




trois septembre

assis sur la colline à la sortie du bois de pin

une pincée de soleil après la petite pluie

 mer aperçue à l’horizon comme un toit d’ardoise

entre deux branches de pin

peintes (on dirait) par Cézanne ou Zao Wou-Ki

un hélico passe en direction de la Camargue

(mémoire : souvenir en creux

ai-je lu quelque part)

Settimana Romana*

(un titre dont l’ensemble musical qui le jouait

s’est effacé de ma tablette)

*Ramon Fossati Sextet

UN SONNET ENCOR UN





Un sonnet encor un que Person’ ne lira

Excepté celui qui l’écrit sur son cahier

De contes à dormir la nuit dans ses blancs draps

Un sonnet de Bibi ex-Villon ex-Yéyé





Un jeu mais pas que marronne le père Homère

Créateur de Personne Ulysse l’Inventif

Ah si tu me voyais faire ces vers Ô Mère

Tu te gratterais à coup sûr tes derniers tifs





Des sonnets de mémoire j’en connais un moulon

Moulins à vent des nuits conteuses d’insomnies

Mais çuilà que j’écris en large zé en long





Même s’il disparaît n’est dû qu’à mon génie

Sonnet je suis sonné mais pas tout à fait seul

Quand Poésie s’endort le corps dans son linceul





8/8/2021

un sonnet encor un