Dans mes poèmes j’avance si lentement que je rends souvent page blanche Me promenant rêveur entre les lignes Ou posant fier comme un dernier Abencerage (un rappel si je ne m’abuse de Chateaubriand) Dans mes poèmes blablabla Où je m’embarque sans biscuit À l’heure du berger Au milieu de la nuit Bâtons rompus entremêlés Un dernier coup sur la peau de mon tambour Ratapampan Derniers hoquets Ultime rime équivoquée
Archives de l’étiquette : poèmes
ECCE HOMO ses mots de Joie ses maux atroces
À écrire on s’expose décidément à l’excès. Henri Michaux Que c’était bien bon dieu Ces vaches de poèmes Écrits à la va vite Sur un bout de papier Une nappe de restau Ou l’écorce d’un chêne Enchaînés enrythmés Enlyrés et légèrement (pour rire) empapaoutés C’était vachement chouette La tournée des grands ducs Sur la page nocturne L’impro des normaliens de la rue d’Ulm, la turne de Queneau ou Tardieu Ces rémouleurs sublimes De rimes jouissives C’était (faut-il qu’il m’en souvienne) La Li-Bé-Ra-Tion C’était après la guerre (La seconde qui succéda Allez savoir pourquoi à la der-des-ders) Mais putain d’empire russe Avec son chien Poutine Aux babines sanglantes Voilà qu’ça recommence Fini de rigoler Il nous fait une Michaux Ces villes de loques Et son Ecce Homo Je n’ai pas vu l’homme répandant autour de lui l’heureuse conscience de la vie Mais j’ai vu l’homme comme un bon bimoteur de combat Répandant la terreur et les maux atroces Ecce homo (1943)
SI MES POÈMES
La fonction principale de la poésie c’est de nous transformer. Elle est l’œuvre humaine qui nous transforme le plus vite : un poème y suffit. Gaston Bachelard Si mes poèmes n’ouvrent pas des désirs Des désirs de parler à ton tour au papier le soir venu -tu réclamais le soir il descend le voici- 1 ou dans la nuit infinie qui remue neurones et rimes Si mes poèmes ne te font pas inventer Ces histoires qui pleurent doucement en toi Comme des gouttes de silence 2 Ou ces nuages qui passent là-bas là-bas 1 Là-bas où il n’est personne s’il s’écoute Qui ne découvre en soi une forme sienne 3 Si par un soir d’été, une nuit d’hiver, mes poèmes ne provoquent pas en toi une manière autre d’exister… 1 Baudelaire 2 Claude Esteban 3 Montaigne
LA QUÊTE
Comme il était difficile de serrer de près les choses ! La matière passait de la joie diffuse à une sorte de tristesse sourde. Tout durait et restait peuplé d’attente. Jean Follain Exister Je poursuis la quête Mais sans sébile La quête des poèmes lus Quand dort la ville Et que je transforme Au fur et à mesure Moderato cantabile Je poursuis la manière De faire ainsi place nette À mes pièces encombrées De trop de livres Qui vont rejoindre des cartons Comme des tombes de temples Enfouis sous le sable Je poursuis l’énigme En enclenchant la roue de Fortune Des cycles d’une vie singulière Où l’on fuit la menteuse Et cruelle illusion du bonheur 1 Je poursuis la quête De nos capacités À nous renouveler 1 George Sand
C’ÉTAIT LE BON TEMPS DE LA VIE
Fougères d’étoiles dans la nuit des pierres Dans l’eau le sang des azalées rougit les nénuphars Sur terre je change des rubis en grappes de groseilles Tout est bon à ma jonglerie Composition à partir de poèmes brefs de Jean Orizet (1937-…) C’était le bon temps de la vie Quand pour le livre de poche jeunesse 70 poètes offraient leurs bouquets de Caprices de l’air Trésors de la terre Paysages de l’eau Mystères du feu 1 C’était, comme il n’est pas permis, des bulles de savants des rimes et des vers, Savants pour rire et pour chanter La pluie sur les galets, le vent sur les dunes, La fée électricité, l’encre sur les feuillets. C’était pour les nenfants, les nymphes et pour maman Qui d’une graine fécondée avait fait petit bout d’homme, Femme belle comme Vénus, l’étoile des bergers et des petits Jésus, Des Jeanne et des Marie et de tout ce que j’ai su À l’école où l’on m’apprit à réciter Demain dès l’aube Dame souris trotte les Effarés et les poèmes en coq à l’âne de Prévert. C’était le bon temps de la vie Quand l’on croyait au Paradis Sur terre et mer, l’air de ne pas y toucher, L’amour de la liberté, l’égalité et la fraternité. C’était trop beau pour être vrai C’était avant que la terre ne souffre ses pires calamités Que le vent souffle son CO2 Que la mer agonise Et que les enfants crient à tue-tête Assez ! Assez ! 1 Poèmes inédits choisis par Jacques Charpentreau (1928-2016)