LE DICTIONNAIRE D’UNE VIE

Chacun porte en lui un dictionnaire, le dictionnaire d’une vie, attribuable de l’extérieur à plusieurs individus, mais que l’écriture personnelle rend étonnamment « singulière ». Devenu en lisant, « le lecteur de soi-même », puis, en écrivant, le témoin des conflits entre mémoire et oubli, petite histoire et Histoire « avec sa grande H », faire vraiment « un dictionnaire à part soi », permet, échappant à toutes les entreprises d’un moi identitaire (la plaie de nos démocraties), de réactiver les seules questions qui devraient compter dans nos sociétés sans boussoles : qui suis-je ? et que sais-je ? C’étaient les questions posées par l’auteur des Essais, qui consacra le meilleur de sa vie à chercher, non sans se contredire, des manières de vivre, nous affranchissant de toute contrainte provoquée par « l’ego » : un parler ouvert ouvre un autre parler, comme fait le vin et l’amour.

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AU LECTEUR

AU LECTEUR

Confidences d’un poète petit vieux

Je suis un petit vieux qui a cent cinquante ans
Employant certains mots que peu de gens comprennent
La lésine, les helminthes et les lices.

J’ai été ce qu’autrefois on appelait un poète
Fumant fier son houka
Offrant à ses lecteurs
Un pot de fleurs malignes
Pour faire passer l’Ennui
Ce monstre de tout temps
 
Mes lignes en sont témoin
Dont voici la première :
La sottise, l’erreur, le péché, la lésine…




Avec deux fidèles et stimulants lecteurs qui ont lu au moment où il fut « posté » pour la première fois ce poème sur le blog poésie mode d’emploi :

Parle encore Charles, ô, lecteur ! 
Michel Chalandon 24 août 2001à 6h42
J’inverse un mot de Marie-Paule Berranger que je crois qui te va bien, compadre:
« Insaisissable comme la libellule, la poésie montre le chemin de la liberté » 
Jorge Castro 24 août 2011 à 11h 19


LE LECTEUR A POSÉ SA VALISE

LE LECTEUR A POSÉ SA VALISE Le lecteur que tu es a posé sa valise dans une ville moyenne du sud de la France méditerranéenne une lourde valise nécessitant roulettes et une poignée comme une canne que l’on tire de bas en haut Elle est pleine de livres quelle surprise ! tous ceux que tu aurais aimé écrire et dont tes yeux ont usé la trame  tes yeux et aussi tes oreilles quand certaines pages se mettent littérairement à te parler Tu as vu ainsi cette vieille chamane goajira qui dans les sables ventés de son bout de presqu’île se mettait à parler et à se disputer parfois avec un cactus candélabre Un lecteur qui ne fait pas frémir et dialoguer sa page la réduit à du bois mort

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J’ÉCRIS EN TRAÇANT DANS L’AIR LA LANGUE DES SIGNES

J’écris en levant les lièvres d’un gîte
Où La Fontaine songe : cet animal est triste
                                        et la crainte le ronge
 
J’écris en écoutant les quatuors de Beethoven
devenu à cette époque sourd, sourd sublime
 
J’écris en traçant dans l’air la langue des signes
J’ai l’air d’un idiot (d’un idiot inutile ?)
 
J’écris en posant des questions à mon lecteur futile
Fût-il pervers polymorphe ou slameur insigne
 
J’écris sur les nuages qui passent ici
Et sur les pavés que se passèrent de main en main
les petits gars et les jeunes filles de Mai 68
 
J’écris sur l’océan qui bouge depuis le premier bain
de vagues et de houles avant mes premiers vagissements
 
J’écris sur l’estuaire, exutoire d’un fleuve
Qui baigne mon poème mystérieusement
lecture par la voix féminine de l’ordi

IL FAUT ÉCRIRE ET LIRE SIMULTANÉMENT

Les phrases du texte signifient hic et nunc. Alors le texte « actualisé » trouve une ambiance et une audience ; il reprend son mouvement, intercepté et suspendu, de référence vers un monde et ses sujets. Ce monde c’est celui du lecteur ; ce sujet, c’est le lecteur lui-même. Paul Ricœur

Il faut écrire sans penser une seconde à être lu

Il faut lire comme si c’était nous qui avions écrit la page sous nos yeux

Il faut écrire et lire en simultané

Il faut s’amuser à écrire en secret sans amuser la galerie

Il faut continuer à écrire à sa Muse en allée comme si sa nuit définitive était un phénomène relevant de Fiction & Cie

Il faut lire demain dès l’aube en portant un bouquet de roses de la vie

Il faut écrire en retenant ses cris

Il faut lire en direct ephemeride.com : jeudi 7 juillet 2022 188° jour de l’année 177 restants 27° semaine nouvelle lune premier quartier

Il faut écrire « sans y penser » (ni vouloir le vouloir) un titre musical de Clément Janequin (1547)

Il faut lire dit-on les Pensées de M. Pascal sur la Religion et sur quelques autres sujets qui ont été trouvées après sa mort parmi ses papiers

Ou bien il faut écrire durant sa mort anthume sur des papiers qui fleurent bon l’éternité

Il faut lire tout et son contraire

Il faut écrire a contrario ce qui ne signifie en rien « au contraire »

Il faut lire ce qui précède comme un texte écrit par une personne dont la fable imite l’action (ou le contraire)

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