AUTOPORTRAIT D’UN MORT DEBOUT

La mort n’y mord

Clément Marot


Expressionniste abstrait

Lyrique réaliste

Toujours entre deux maux
pour rire

Tous mes petits secrets
ouverts à l’entropie

Synesthésique actif
Faisant de nuit
Clarté

Badin et baladin
De la farce tragique

Je suis et je ne suis pas
Ce portrait oxymorien
D’un doux vaurien

À la recherche d’un Temps
D’or et de boue

(Debout les morts !)


Je cherche l’Or du temps

André Breton



une manière de dire cet autoportrait par son auteur mort debout 14 juin 2022 03.40

L’ART DU POÈME



Tout ce qu’il peut y avoir dans un poème, la mort et la vie, l’envers et l’endroit.
Georges Perros

L’art du poème
L’art de transmettre
L’amour des mots
À tout vivant
Trop préoccupé à composer
Son bouquet de maux

L’art du ni trop
Ni peu 1
Ni trop de larmes
Ni peu d’émotion

L’art de l’énergie
Du (dés)espoir
Quand sur mon poème
La mort n’y mord 2


1 et 2 Devises de Jean et de son fils Clément Marot


LA FLAMME VACILLANTE DES POÈTES DE L’EXIL





E qualquer margem serve
Para receber o lamento
Que não cabe no papel

Nuno Júdice (1949-   )

Et il est une marge qui sert
à accueilir le lamento
qui déborde du papier

(ma traduction)


Le poème évoque les poètes de l’exil
-littéralement hors sol-
Le poète cite Ovide, Dante, Camões
(beaucoup de noms, reconnaît-il, lui échappent)

Je songe à Clément Marot
Poète non pareil
Auteur de grandes merveilles
Dont le catholicisme fanatique
Eut la peau

Y sueño a Antonio Machado
Qué con facilidad
Confundia Belleza y Bondad 1

La nuit quand les mots traversent plus aisément l’Esprit
L’esprit de résistance pour celui qui maintient en lui
La flamme vacillante de la poésie

1 Et je songe à Antonio Machado
Qui, naturellement, fusionnait en lui,
Beauté et Bonté. 


flammes vacillantes hypnographies Dorio 18/12/2021

COMME LA RUE MON ROMAN EST À TOUT LE MONDE 32, 33, 34





trente-deux

LA RUE EST À TOUT LE MONDE, la poésie, « à la rue », n’est plus à personne. Ses voix se sont taries.

Mais (disons), on ne va pas en faire tout un poème. En effet, cette « voix sans personne », c’est une longue histoire. C’est Ulysse, dans l’Odyssée, c’est Pessoa (« personne » en portugais), navigant dans le desassossego, le livre de l’Intranquillité, et Jean Tardieu, le fleuve caché de tous mes poèmes.

« La rue est à tout le monde, reprenais-je, en donnant à ces mots un sens différent… »

Et puis comme ça fait du bien de passer ses belles nuits d’insomnie à lire et à recopier – comme si on en était l’inventeur – ses (ces) bagatelles proustiennes…Ces figures du sommeil où l’ « on imagine en dormant de se multiplier dans le passé »… C’est comme s’endormir « à la bonne étoile » et retrouver au matin, comme par miracle, et sans trop y croire « la durée infinie de ce qui est »*

*Isabelle Eberhardt





 trente-trois

UN COURRIEL À JO.L.

Ma chère Jo.L.,

Depuis que tu m’as laissé « à disposition » ton nouvel opus – ce livre de 427 pages – sur une table imaginaire d’un salon d’écrivain.e.s de plein air, il semble que malgré ma promesse de « m’y atteler » et d’en rendre compte, d’une manière ou d’une autre, il semble que je l’ai abandonné par d’infinies digressions qui semblent « noyer le poisson ». Mais, je te l’assure, rien de plus faux.

Pour preuve les pages 213 et 214 – oui le livre en sa moitié – que j’ai sous les yeux, et qui ont provoqué mon désir de cet email de rappel. C’est un passage, t’en souviens-tu, où tu donnes la parole à une petite fille qui porte, « un sac à dos violet sur lequel est écrit : Je pense donc je suis. »

J’espère, ma chère auteure, que toute équivoque est levée et que tu es rassurée.

Fidèlement

JJ D’OR

(Réponse désabusée ou ironique de Jo.L. « Tu parles Charles !)

la petite fille en question existe dans le roman de Lise Charles : « La Demoiselle à cœur ouvert »





trente-quatre

ENTRE MAFALDA ET MAROT

C’est vraiment un plaisir d’écrire en vis-à-vis d’un livre imaginaire que personne n’a jamais lu. Mais qui existe. Je lis la page 333, où la narratrice découvre à l’intérieur d’une bande dessinée (Mafalda de Quino « qui vient de nous quitter » ce 30 septembre 2020), la narratrice, donc, découvre le journal intime de sa fille qui vient d’entrer en 6°.

Ça me rappelle que pour chacune de mes filles (elles sont deux), j’avais, d’un commun accord familial, choisi d’être leur prof de français. (En 6°, et 5°, tant qu’à faire.) Maintenant qu’elles voguent entre trente et quarantaine, je songe qu’elles pourraient m’écrire enfin, puiser dans leurs mémoires involontaires, ce qu’elles ont vécu, retenu, pensé.

La narratrice de la page 333, elle, n’enseigne pas au collège, mais est maîtresse assistante, dans une université fantôme. C’est une spécialiste des épîtres, l’écriture épistolaire entre poètes du XVI°, qui en firent les premiers recueils imprimés de l’histoire de la poésie française.

Le titre de son étude, « qui vient de sortir », je vous le donne en mille :

La plume en l’absence.*

*Pauline Dorio (Droz) 2020