Si ce texte ne fait pas un carton, c’est à désespérer de Bouvard et Pécuchet. Sous les bombes je prépare mes cartons de livres en espérant qu’une bombe au phosphore ne vienne y mettre le feu Toute la Recherche (du Temps perdu et du Temps retrouvé) avec les dizaines de petits livres de seconde main sur les motifs proustiens Tout Mai 68 (de la misère sexuelle en milieu étudiant aux romans d’Anne Wiazemsky -épouse durant les événements du plus con des cinéastes prochinois) Toute la Poésie (de Marot à Marie de Guillaume Apollinaire) Toute la Philosophie (de l’Éthique à la Mémoire, l’Histoire, l’Oubli) Toute la Sociologie (de Norbert Elias à Nathalie Heinich) Toute la Politique (de La République de Platon à la VI° République Apocalyptique de Mélenchon) Toute le Peinture (dans l’atelier d’Elstir et chez les demoiselles d’Avignon -quand elle s’tirent du côté de Guernica) (Ici j’ai rempli mon cinquantième carton et je n’ai plus de ruban adhésif au polypropylène brun mais il reste pour les fermer toute la collection Sparadrap du capitaine Haddock) Tous les livres de Musique (sur les Bagatelles de Ludwig Van et les arbres lyriques qui cachent Verklärte Nacht : « la Nuit Transfigurée » de Schönberg : Deux personnes vont dans la forêt chauve et froide La lune les accompagne Ils regardent en eux-mêmes et rencontrent leur inquiétante étrangeté) Toute l’Architecture (de la cathédrale d’Amiens à la Raffinerie de Beaubourg) Toute l’Astronomie (de Galileo Galilei face au tribunal de l’Inquisition à Albert Einstein tirant la langue à la Relativité-restreinte) Et tout, en cette nuit agitée où l’on nous a contraint à manger une heure de temps universel, ce qui n’est pas (encore) entré dans cette liste établie par un métaphysicien égaré dans la guerre sans fin entre Nature et Culture, le Zen et l’entretien des motocyclettes, et (pour la route) le combat de Métalepse avec Allan Stewart Konigsberg alias Woody Allen
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TROIS SETS DE NUIT
C’est la nuit avancée Bientôt cinq heures J’ai fait un premier set 1 Autour de minuit Où j’ai poursuivi lisant mes livres de chevet la pensée prolifique de mes êtres de papier Un second vers trois heures Où j’ai écrit un poème À pas de mouche et quelques aphorismes Maintenant c’est la troisième manche Où vont se refermer (l’heure aidant) les portes de l’insomnie Après le dernier somme (s’il vient) J’aurai la chance en ouvrant mes volets d’apercevoir la mer en allée avec le soleil 2 (naissant) Et à nouveau commencera ce jour Où jouant avec l’éternité Je boirai le temps À grande gorgée 3 1 partie d’un concert de jazz 2 Rimbaud 3 Abbas Beydoum (Libanais né en 1945)
LES RÊVES ET L’ÉTERNITÉ
Les rêves mesurent mon éternité Toujours sur le départ Rêves sueños dreams Révolutions logiques Les rêves lèvres des rêveries Sur des livres exhibant Des portraits de Nadar Les rêves usés de l'analyste Et des porteurs de valises Les rêves de pavanes pour l'infante défunte Les rêves de Peau d'Âne Du conte à la magie du ciné Les rêves en filigrane Sur le grain du papier Les rêves pour conclure Ce pacte avec l'éternité
LIRE « legere » recueillir, choisir, butiner, faire coexister ses bibliothèques en expansion
La chair est triste hélas et j’ai lu tous les livres
Stéphane Mallarmé Brise marine
Aucun homme n’aura le temps de lire ce livre durant sa vie
puisque ça fait environ cent millions d’années de lecture
pour un homme qui lirait huit heures par jour
Raymond Queneau Cent mille milliards de poèmes
Lire OULIPO Lire où ? depuis li pot Lire dans ces lieux que l’on nommait du temps du jeune Arthur des latrines : il pensait là tranquille et livrant ses narines (« Les poètes de sept ans ») Lire sur le lutrin d’Ikea le dernier livre commandé à Amazon (Horreur Non Ça Jamais !) Lire au lit comme le fait celui qui écrit ceci un peu désappointé Lire au nid douillet Brise marine de Stéphane Mallarmé Lire Colloque sentimental, dans le vieux parc solitaire et glacé Lire avec le spectre de Verlaine conversant toutes les nuits avec on ne sait qui Lire avec son institutrice préférée cette maitresse mère qui nous apprit l’abécédaire Lire sur les lèvres de son papa l’occitan exempt de tout livre Lire cette ballade irlandaise d’un trouba toubadou troubadour né à Toulouse (ô moun païs ô toulouseu ôtoulou ô toulouseu !) Lire assis sur un banc de Washington Square Washington Square d’Henry James inspiré (dit-on) d’Eugénie Grandet d’Honoré de Balzac Lire sur l’annuaire téléphonique des origines l’indicatif BALzac 001 Lire les mots égarés sur ses vieux cahiers d’écolier éternel Lire Tant de paroles échappées des ateliers de la douleur Lire du même Jean Tardieu cette voix sans personne qui écrit jour après nuit son pensum Lire heureux comme un pinson les lettres buissonnières adressées à Mimi Pinson Lire à sa fille Barbara il pleut sans cesse sur Brest Lire un livre ancien sous le bras le plus beau des poèmes en langue française écrit par ce monsieur de Kostrowitzky plus connu sous le nom de Guillaume Apollinaire Lire Marie celle du poème et celle (la vraie) que presque tout le monde a oublié Lire et regarder (car Marie Laurencin aussi peignait) son portrait de groupe (huile sur toile de 130×194 cm) où l’on peut voir « Apollinaire et ses ami.es » (en écriture inclusive) : Gertrude Stein, Fernande Olivier Apollinaire, Marguerite Gillot, Maurice Cremnitz, Picasso et mademoiselle Laurencin elle-même : Quand donc reviendrez-vous Marie Lire avec délice l’affaire du 21 décembre une histoire d’amour cocasse et merveilleuse écrite par Géo Norge dans un recueil intitulé le vin profond (mon ami Daniel G. me l’envoya par la poste alors que j’habitais l’ « edificio Olimpo » à Caracas) Lire encore à sa vieille carcasse Roland Dubillard pour rire et Ronsard pour pleurer Lire sans masque et sans geste barrière en les mangeant et ruminant ses pages déchirées dans la plus grande bibliothèque de la chrétienté du siècle XIV Lire il nome della rosa en 7 chapitres qui voient se succéder 7 morts dont l’ordonnancement symbolique égare puis permet à l’enquêteur franciscain Guillaume de Baskerville de découvrir « le pot aux roses » Lire encore et toujours Mignonne allons voir si la rose Lire Demain dès l’aube hommage du père Hugo à sa fille Léopoldine cruellement noyée Et enfin s’en aller en titubant un petit peu et pour clore cette suite sans fin à l’enterrement d’une feuille morte qui comme chaque poète le sait au printemps est toute ressuscitée
PASSAGE DES LIVRES
Les livres ne s’usent que si l’on s’en sert
Pour faire de beaux découpages
Pour ouvrir n’importe quelle page
et y chercher son horoscope perpétuel
Pour déchirer toutes les pages 68
Et en faire une belle flambée
Les livres sont des fleurs inverses
Que l’on mange à la lettre
Dans le Secret des Marges
Comme du bon pain blanc

81170 Cordes/Ciel
" Je peins principalement mes cogitations, sujet informe, qui ne peut tomber en production "ouvragère"; à toute peine le puis-je coucher en ce corps aéré de la voix..." Michel de Montaigne