L’INÉPUISABLE DU MURMURE Entouré de livres comme un animal de gluant, de sec, de velours herbeux Comme un chaman de petites âmes rôdeuses de tabac liquide et de malades à réenchanter Entouré d’êtres chers qui dorment entre les pages On peut aussi lire à l’envers, à contre-sens des yeux d’un lecteur qui ne veut pas mal tourner Ou bien perdre le fil On peut lire à contre-courant, en amont de celui qui cherche l’inépuisable du murmure andré breton
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LES VRAIS LIVRES

manuscrit dorio 29/11/2022
« LES VRAIS LIVRES DOIVENT ÊTRE LES ENFANTS NON DU GRAND JOUR ET DE LA CAUSERIE MAIS DE L’OBSCURITÉ ET DU SILENCE » 1 Silence l’arbre remue encore 2 : un spectacle jouissif créé au Cloître des Carmes pendant le festival d’Avignon, l’été 1967. Ça aurait pu être l’histoire d’un cheval noir galopant la crinière en feu, mais il n’est pas venu. Le père Obscurité et la mère Silence ont le plaisir de vous faire part de la naissance de Jean-Jeanne Le Temps. Le temps est un enfant qui joue 3 Le père Silence et la mère Obscurité, leur tâche procréatrice accomplie, se perdent dans les deux temps du romancier : le perdu et le retrouvé. J’ai dit deux temps, peut-être n’y en a-t-il qu’un seul, non que celui de l’homme éveillé soit valable pour le dormeur, mais peut-être parce que l’autre vie, celle où on dort n’est pas -dans sa partie profonde- soumise à la catégorie du Temps. 4 Mais cependant dès que tu dors l’aventure du sommeil commence…5 Et encore plus étrange « UN HOMME QUI DORT tient en cercle autour de lui le fil des heures, l’ordre des années et des mondes. Il les consulte d’instinct en s’éveillant et y lit en une seconde le point de la terre qu’il occupe, le temps qui s’est écoulé jusqu’à son réveil ; mais leurs rangs peuvent se mêler, se rompre » 6 Et la plus grande des confusions peut dans ces circonstances régner, l’homme qui dort est devenu femme, « androgyne bizarre, pétri des sangs divers de ma mère et de mon père » 7 « L’homme qui dès le commencement a été longtemps baigné dans la molle atmosphère de la femme…y a contacté une sorte d’androgynéité, sans laquelle le génie le plus âpre et le plus viril, reste relativement à la perfection dans l’art, un être incomplet » 8 La perfection dans l’art est, naturellement, pure illusion, mais tous les moyens sont bons pour la rechercher. Se mettre, par exemple, « en arrêt », suspendre les informations venues des cinq sens, cultiver la « bonne hypnose ». Ruminer, ressasser, mettre à bonne distance les mots et les choses, pensant le monde dans l’obscurité éclairée de silence.
1 Marcel Proust 2 François Billetdoux 3 Héraclite (l’Obscur) 4 Proust 5 Perec 6 Perec/Proust 7 Chateaubriand 8 Baudelaire
NOS NILS NOIENT NOS NUITS NÉES NEIGES
NOS NILS NOIENT NOS NUITS NÉES NEIGES
Sans cap mais sans trêve je vogue vers l’Islande des livres qui, la nuit, remarque Borges, est comme une voûte entre la veille et le sommeil.
Sans cap mais sans trêve, chaque « journuit » faisant fête aux réminiscences et jeux de langages tel ce tautogramme inventé, dit-on, par Robert (le diable) Desnos : Nos Nils noient nos nuits nées neiges.
Et que n’ai-je vingt vies qui se fondent simultanément dans cette isle-lande façonnée par des matelots, bateliers, pasteurs sans dieux, bouchers, boulangers, aèdes de maintes Odyssées, romanichels, romanciers, chevaliers shakespeariens, croisant l’épée et l’invective, forgerons, « livreur » (qu’enfant Gaston Puel prenait pour un « faiseur de livres »), chercheurs des temps perdus, dormeurs du val et de l’amont, emmerdeurs à l’espoir jamais rassasié.
Le jeu se termine à présent par l’échange des anneaux, d’or et d’argent, d’ivoire et de lune. Un jeu nécessaire pour que dans l’avenir subsistât cet échange qui à tout prix doit demeurer ; dans le trouble et la sérénité, la non-assurance et la confiance de deux personnes « en absence », qui, à distance croisent leurs lignes et leurs esquisses, pour en lisant, en écrivant, savourer leur vulnérable et féconde proximité.
Gaston Puel (1924-2013) Le journal d’un livreur Editions l’Arrière Pays (1997) Pauline Dorio (née en 1986) La plume en l’absence (Le devenir familier de l’épître en vers de 1527 à 1555) Editions Droz 2020
https://www.leseditionsdunet.com/livre/un-dictionnaire-part-moi
LES LIVRES C’EST POUR VIVRE NON POUR S’Y ENFERMER
J’aime tant les livres que m’y enfermer serait creuser mon tombeau
Les livres c’est pour vivre, pour s’aérer, souffler sur des braises avant qu’elles ne deviennent cendres
J’aime tant les livres aux mains des fileuses et des filous qui me mettent en charpie si trop je les loue
Les livres c’est pour prendre congé des charognes et des charniers, c’est la bourse ou la vie, la chandelle ou la bougie, le coucher de bonne heure ou autour de minuit
J’aime tant les livres que voir leur auteur passer à la télé me dissuade de les acheter, le pot de chambre ou le vase de nuit ?
Les livres c’est pour exister à l’écart des prix littéraires, c’est pour caresser le papier d’Arches et boire l’encre d’imprimerie
J’aime tant les livres que m’y enfermer serait m’étouffer, m’asphyxier, me faire mourir à petit feu
Les livres c’est pour libérer la part en nous qui nous arrache au temps
https://www.leseditionsdunet.com/livre/un-dictionnaire-part-moi
En cliquant ci-dessus vous verrez apparaître mon dernier livre qui vient d’être publié, comme s’il s’agissait d’un PALIMPSESTE :
Mes textes nouveaux, repris chaque jour, s’écrivent sur mes textes anciens, faisant ce palimpseste – illisible pour les impatients –, duquel j’extrais, de temps en temps, une écriture qui semble présenter quelque intérêt pour ceux et celles qui aiment partager leur pain quotidien. Une écriture toute faite de lectures d’auteurs multiples et non autoritaires.
CARTONS DE LIVRES
Si ce texte ne fait pas un carton, c’est à désespérer de Bouvard et Pécuchet. Sous les bombes je prépare mes cartons de livres en espérant qu’une bombe au phosphore ne vienne y mettre le feu Toute la Recherche (du Temps perdu et du Temps retrouvé) avec les dizaines de petits livres de seconde main sur les motifs proustiens Tout Mai 68 (de la misère sexuelle en milieu étudiant aux romans d’Anne Wiazemsky -épouse durant les événements du plus con des cinéastes prochinois) Toute la Poésie (de Marot à Marie de Guillaume Apollinaire) Toute la Philosophie (de l’Éthique à la Mémoire, l’Histoire, l’Oubli) Toute la Sociologie (de Norbert Elias à Nathalie Heinich) Toute la Politique (de La République de Platon à la VI° République Apocalyptique de Mélenchon) Toute le Peinture (dans l’atelier d’Elstir et chez les demoiselles d’Avignon -quand elle s’tirent du côté de Guernica) (Ici j’ai rempli mon cinquantième carton et je n’ai plus de ruban adhésif au polypropylène brun mais il reste pour les fermer toute la collection Sparadrap du capitaine Haddock) Tous les livres de Musique (sur les Bagatelles de Ludwig Van et les arbres lyriques qui cachent Verklärte Nacht : « la Nuit Transfigurée » de Schönberg : Deux personnes vont dans la forêt chauve et froide La lune les accompagne Ils regardent en eux-mêmes et rencontrent leur inquiétante étrangeté) Toute l’Architecture (de la cathédrale d’Amiens à la Raffinerie de Beaubourg) Toute l’Astronomie (de Galileo Galilei face au tribunal de l’Inquisition à Albert Einstein tirant la langue à la Relativité-restreinte) Et tout, en cette nuit agitée où l’on nous a contraint à manger une heure de temps universel, ce qui n’est pas (encore) entré dans cette liste établie par un métaphysicien égaré dans la guerre sans fin entre Nature et Culture, le Zen et l’entretien des motocyclettes, et (pour la route) le combat de Métalepse avec Allan Stewart Konigsberg alias Woody Allen