
La nuit flotte sur la page paisible À l’écart des rumeurs d’un monde fracassé La nuit s’ancre sur des encres cassées Que contredisent ses sursauts lyriques JJ Dorio 1/03/2022
Jean Jacques Dorio Un poème inédit par jour
La nuit flotte sur la page paisible À l’écart des rumeurs d’un monde fracassé La nuit s’ancre sur des encres cassées Que contredisent ses sursauts lyriques JJ Dorio 1/03/2022
J’écris d’un seul coup d’un seul
J’écris en bleu j’écris en vert
J’écris en noir le deuil des vers
J’écris des lignes sur la mer
J’écris sur des feuilles volantes
J’écris assis j’écris debout
J’écris de signes caractères d’argile et de boue
J’écris de glyphes et de remous
J’écris de regards échangés avec les peintres des musées
J’écris sur le dos des bossus
J’écris en écoutant Moussu T
J’écris en faisant du thé
J’écris avec Sapho princesse athée
J’écris de ma voix perdue heureusement enregistrée
J’écris sur la voie que j’ignorais avant d’écrivant la créer
J’écris toujours à la craie d’une enfance mythique
J’écris sur les mythes en lambeaux des indiens Goajiros
J’écris devant la cafetière en faïence bleue de Cézanne
J’écris des lettres à Blanche Neige
J’écris bernique
J’écris au bernard-l’hermite l’alter ego du pagure
J’écris en tournant sept fois ma plume dans l’encrier
J’écris au marchand de chaussures qui m’ont cassé les pieds
J’écris au menuisier sur la table de chêne qu’il m’a faite livrer au septième étage de la Tour Montparnasse
J’écris en relisant Urgent Crier !
J’écris en faisant la grande lessive des Romantiques et du Parnasse
J’écris sur une sorte de scriban en acajou
J’écris comme un scribe en période maigre qui sur son palimpseste fait ici et là quelques ajouts
J’écris au crayon pour gommer mes indécisions
J’écris sur la boîte de Monte Cristo n°3 que j’ai achetée lors de mon voyage à Cuba en avril 1977
J’écris en écoutant un set de Coltrane et de Miles
J’écris sur une grande table ronde dressée autour du monde
J’écris de mémoire en me remémorant les moires, les reflets et leurs effets capricieux J’écris entre égarement et confusion, en attendant de retrouver, comme par miracle, les rimes et les rythmes des Chantefleurs et des Chantefables J’écris pour le négrillon qu’Ali Gator voulait croquer au réveillon J’écris pour la baleine et pour ses baleineaux J’écris pour la jeunesse de Robert le Diable transfiguré en dromadaire pour son ami Apollinaire, en ver luisant pour Edouard Glissant J’écris Tout Monde Tout l’monde est malheureux Tout l’temps J’écris de Natashquan Où le temps s’arrête J’écris de ce pays Où Vigneault m’attend J’écris pour l’œil des hiboux Qui voient rouge Quand ils me voient cultiver (noir sur blanc) Le tumulte et le changement J’écris de droite et de gauche, Dextroverse, sinistroverse, arabe, hébreux J’écris chinois J’écris de plume et de calame, De pinceau et de stabilo, Ces feutres pointes fines Que j’apprécie particulièrement J’écris ironie de l’histoire à ma fille gauchère qui me lit en miroir et se faisant m’aide à parfaire mon dictionnaire à part J’écris n’en revenant pas D’avoir été gamin, enfant, Homme jeune, quadra, quinqua Et dans quatre ans (qui sait ?) Multipliant par quatre mes vingt ans J’écris envoyant au diable l’écriture et les âges de la vie J’écris comme un commencement qui recommence Et qui n’en finit pas Avec Robert Desnos, Apollinaire, Edouard Glissant, Gilles Vigneault, Baudelaire, Pauline Dorio
COUDRE
Le monde a plusieurs couches
En chacune vivent plusieurs esprits
Coudre le monde c’est les visiter
Coudre le monde : Molakana Coudre les tissus bariolés des indiennes Kuna Coudre les oiseaux sur fond de madrépores Coudre les mythes et leurs secrets Coudre les points de ton cœur avec un fil passé dans tes papiers de condamnée Coudre ces créatioures qu’on ne sait nommer en français Coudrel’amour de si près saisi qu’il crie sans cesse au feu (Marot) Coudre les ballades et la ronde de tous les gars du monde et des veuves de marins Coudre les fleurs bleues ou bien les blanches Coudre un cœur pour la fête des mamans du dimanche Coudre l’Adieu à l’enfance Coudre les poèmes à dire et à chanter Coudre l’oubli d’éternité Coudre les souhaits et les promesses de paix trésor qu’on ne peut trop louer (Charles d’Orléans) Coudre les libres pensées avec des vers dorés Coudre nos dictionnaires de Pierre Bayle et d’Alain Rey Coudre les soleils irréductibles d’un 14 juillet Coudre Batouque rythme du tamtam sur la machine à écrire de Césaire (Aimé) Coudre les souvenirs de mon aimée quand nous buvions aux sources des bois la gorge en feu Coudre tout ce qui ne se coud pas Coudre ce qui secoue les jeux des forains sur les places en fête Coudre le temps des cerises sur la brise marine Coudre tout ce qui brise la malédiction des gueux et des famines Coudre cet apoème sur le cahier d’un écolier qui dit pouce…c’est terminé
Agenda du 22 au 28/02/2021
Lundi 22/02/2021
7h44 « Si la belleza sostiene una cabeza / Bien puede sostener el mundo. » Antonio Gamoneda
Si Beauté maintient droit une tête / Elle peut, aussi bien, le monde soutenir
(ma traduction…comme on dit) 7h49
Mardi 22/02/2021
7h15 « Libres penseurs », libres senteurs, la seule liberté, les hommes la dédaignent uniquement parce « que s’ils la désiraient, ils l’auraient : comme s’ils se refusaient à faire cette précieuse conquête, parce qu’elle est trop facile. » La Boétie (Discours de la servitude volontaire)
Nageant à contre-courant, contra suberna, écrivait le troubadour Ventadour. 7h24
Mercredi 23/02/2021
7h11 – Je ne crois pas que les tableaux, pas plus que les poèmes, soient jamais achevés.
– Et donc ?
– « Plus que l’art lui-même, ce qui compte, c’est qu’il ait répandu des germes sur la terre. » (Joan Miró)
7h20
Jeudi 24/02/2021
8h14 Parmi les formules condensées, mettant en perspective nos visées politiques, celle de Paul Ricœur m’agrée :
« Bien vivre (un art que l’on apprend à exercer) pour, et avec, les autres, dans des institutions justes. »
(donc, toujours à parfaire).
8h18
Vendredi 25/02/2021
8h19 Avec son exemplaire sous son bras, édité de son vivant, le poète Philippe Jaccottet est allé rejoindre la Constellation des Pléiades, en ce Cosmos, où tout n’est « qu’ordre et beauté, calme, luxe et volupté. » 8h24
Samedi 27/02/2021
6h37 Face à la crise majeure provoquée par la pandémie du Covid.
« On dirait qu’une société entière dit ce qu’elle est en train de construire avec les représentations de ce qu’elle est en train de perdre. » Michel de Certeau (autour de Mai 68)
« Souvent il fallait effacer la nuit le tableau que j’avais esquissé le jour : les événements couraient plus vite que ma plume. » Chateaubriand (durant les soubresauts de la Révolution commencée en 89)
Dimanche 28/02/2021
01h21 Aucun bruit C’est la nuit Qui dort dans son étui Mes oreilles sonnent leurs morphèmes Dans mon lit j’égrène mentalement de Francis Lemarque ses rengaines Le petit cordonnier et (bien sûr) Marjolaine Je suis cet « inconnu sur sa guitare » Le brouillard de la chanson tombe sur la mer que je vois à l’horizon On entend alors les cornes de brume des bateaux qui portent la malédiction de notre civilisation (le lourd pétrole noir) Plume dès lors s’agite sur son papier : « Sous la pression du négatif…nous avons à reconquérir une notion de l’être qui soit affirmation vivante, puissance d’exister et de faire exister » (Paul Ricœur) Artaud le Momo avait trouvé une formule plus percutante Il s’agit de Guérir la vie 01h31