Tu devrais arrêter d’écrire des fadaises Qui ne parlent qu’au papier Laisser tes mots errer Sur la falaise de sable Sur le buvard de l’encrier Tu devrais ignorer Giono Qui écrivit comme si de rien n’était Avec sa main à plume le jour où sa mère mourut Quand on t’annonça la disparition subite de la tienne Le vingt-sept septembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze Tu lisais précisément Le hussard sur le toit Elle avait passé une mauvaise nuit Mais s’était habillée pour voir encore une fois Le feu du matin jaillir du bois Sur la plaque de fonte Sur le visage de mon père Tu devrais arrêter d’écrire des fadaises Qui ne parlent qu’au papier Laisser tes morts errer
Archives de l’étiquette : mère
QUAND PEU À PEU ON QUITTE BIEN MALGRÉ SOI LE PARADIS DE SA BIBLIOTHÈQUE
JE LIS JE LISAIS JE NE LIS PLUS
Les vrais paradis qui existent sont ceux que l’on a perdus
Marcel Proust
Je lis des livres en entier, des sagas, des sagaies plantées dans les faux souvenirs d’un danseur balinais, d’un chasseur de baleines à qui il manque un pied Je lis les livres d’hommes remarquables terrassés par l’ennui de se répéter Je lis des femmes qui de leur vie vivante furent d’illustres inconnues dans l’ombre de leur mari et que la postérité encense Je lis des livres en miroir pour tenter de voir ce qu’il y a sous leurs mots Je lis des livres de Zygomars qui gloussent et pouffent vouant un culte à leur zygomatiques Je lis des livres de boniments blablas baratins verbiages absent on ne sait pourquoi de tous les dictionnaires de citations (sauf le mien tenu secret dans un application de mon ordinateur) Je lis des livres sur le café dont celui du professeur Dac qui démontre bol à l’appui que si on en donnait à boire aux vaches « on trairait du café au lait »
Je lisais des livres au café mais c’était avant la pandémie Je lus aussi au cinéma une unique fois pendant la projection de La chinoise prélude à Mai 68 côté Mao Je lisais nolens volens des livres de poésie mais depuis qu’ils ont disparu du « Monde des Livres » j’ai jugé bon de m’en délivrer Je lisais aussi en public en sortant d’une librairie à la plage sur un banc public (banc public) dans le métro (boulot dodo) au bar du PMU (en attendant la course du tiercé changée en quinté +) à l’école des écoliers puis de ceux qui en rendant leur tablier gris revêtent leur tenue professorale Et enfin je lisais déjà bébé sur les lèvres de ma mère l’Oye et les volutes de fumée de mon papa Pipu
Mais c’est fini depuis que je fais partie de la liste des disparus je n’ai plus accès au paradis de ma bibliothèque je ne lis plus
https://www.leseditionsdunet.com/livre/un-dictionnaire-part-moi
ma mère dans ton ventre déjà

ma mère
dans ton ventre déjà
j’inventais des roses
avec des crayons de toutes les couleurs
et des aquarelles
dans lesquelles tu me baignais
ma mère
à l’abri du monde violent
de l’Histoire des années 40
dans ta grotte Chauvet de l’enfance première
j’écoutais les pulsations de ton sang
et les musiques du Grand Récit
JE N’AI JAMAIS VU PHÈDRE
Je n’ai jamais vu Phèdre de Jean Racine mais j’en ai lu les 1654 alexandrins
Je n’ai jamais dit Crénom de dieu mais je l’écris ce soir et j’ajoute de mémoire :
Ceux qui disent Cré Nom, ceux qui disent macache…écrit par cet ado insolent
qui visait ainsi les Soldats…débris d’empire…retraités (sic)
Je n’ai jamais au grand jamais mis un képi sur ma caboche
Mais j’ai souvent donné Quartier libre à mes petits collégiens
Qui laissant le képi dans la cage laissaient un oiseau des îles gazouiller sur leur tête
Je n’ai jamais bu une absinthe au Moulin de la Galette avec Amedeo Modigliani,
mais j’ai souvent vu affiché la reproduction de son Grand nu
dans les turnes des copains de fac de Toulouse
Je n’ai jamais eu de petit âne gris ni d’étable pleine de brebis et d’agneaux,
mais j’ai souvent chanté m’accompagnant sur ma guitare cette histoire qu’on m’a racontée
Je n’ai jamais été capable de faire un travail au crochet, mais ma mère si,
Elle y excellait et me fit un béret mauve et une pièce patchwork bariolée
Je n’ai jamais croisé le fer avec un représentant du Roi ou de Dieu mais le faire ne m’aurait pas déplu
Je n’ai jamais…
Avec Racine, Rimbaud, Prévert, Modigliani, Hugues Auffray…et ma maman.
UNE FOIS N’EST PAS COUTUME
Une fois n’est pas coutume
La nuit ne m’a pas donné son poème rituel
La page au réveil me reluque
et demande son dû
Mais je n’ai que ces mots de travers
a lui donner comme perruque
(C’est un peu comme la chanson
Que l’artiste doit ajouter
Pour que son album
Tienne la distance)
Une fois n’est pas coutume
La brume l’écume la plume
écrit machinalement ses rimes
L’expression (répétée) vient de ma mère
Qui me disait aussi
« Chante chante petit oiseau ! »
C’était pour dire qu’elle ne croyait pas
En mes sornettes
Nous en riions bien sûr
Il pleut il pleut bergère !
La page qui a eu son dû
À présent me libère
30/01/2021
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