ET MOI ET MOI ET MOI Moi n’a aucun intérêt. Je l’affirme mais ne signe pas. Ce serait oublier, tous ces moi moi moi, que ma manie d’écrire, a fixés, années après années, en des carnets, cahiers, agendas. Autant de moi épinglés, comme l’on faisait jadis, des lucanes, scarabées, papillons, mouchettes et doriophores. Un jour, ils passeront à l’as. J’aurai quitté le lieu. En attendant, j’écris. Livre de sable, grain grain des jours uniques et des mille et une nuits. J’écris entre mémoire et oubli, l’histoire d’une vie. Mais ceci est une autre histoire. Inachèvement (ajoutait le philosophe Paul Ricœur)
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ET QUAND PERSONNE NE ME LIRA JE M’EN FICHE
J’ÉCRIS EN BUVANT L’EAU DE LA FONTAINE DU GRAND OUBLI J’écris sans mémoires ni souvenirs J’écris sur un bloc de cire vierge de toute poésie J’écris chantant des mythes accoudé au rocher de Sisyphe J’écris des glyphes qui attendent leur Champollion J’écris formes, notes et simulacres J’écris dans l’odeur âcre des derniers feux de Mai 68 J’écris 68 fois sous les pavés la page J’écris en marchant de nuit dans les rues d’une ville inconnue dictant à mon magnétophone portatif le nom des rues et des affiches J’écris et quand personne ne me lira je m’en fiche
J’OUBLIE QUI JE SUIS

J’OUBLIE QUI JE SUIS J’ai dit adieu à toutes les nuits où j’ai dit dans ton lit Petit esprit Please Oublie qui je suis Arno (1949-2022) J’oublie qui je suis Façon d’écrire Manière de lancer la fabrique de ce texte dont j’ignorais qu’il avait fait l’objet des paroles de ce chanteur qui vient de disparaître (comme on dit) Arno c’était pour moi, avant que l’écran ne me donne l’info, exclusivement ce petit fleuve qui traverse Firenze et passe sous le ponte vecchio On voit un extraordinaire dessin de Leonard, qui fut appelé par les florentins pour un projet de dérivation, intitulé « Placement du fleuve Arno dans un canal » ou bien aussi on peut lire dans une lettre de Machiavel « allé à Pise avec Leonard de Vinci niveler le fleuve Arno et le déplacer de son lit » Les travaux commencèrent mais l’Arno ne voulut pas sortir de son lit Grands esprits Please Oubliez qui je suis

Placement du fleuve Arno dans un canal : Leonardo da Vinci
DÉFENDEZ-MOI DE MOI
-Mais quel est ton secret ? – Je n’ai pas de secret, sauf celui de refuser de me prendre pour quelqu’un qui chaque nuit écrit ses secrets.
« Défendez-moi de moi » ai-je lu, peut-être chez Montaigne, sûrement (en traduction) chez quelque autre auteur de conséquence écrivant dans la langue de Cervantes.
Celui qui écrit sur la mémoire, le temps, l’oubli, la répétition, le mouvement, la nostalgie du présent, je fais comme si je ne le connaissais pas personnellement, comme si j’ignorais ce qu’il avait déjà écrit sur ses cahiers, petites cartes blanches ou colorées, et même, ça peut arriver, sur un livre affublé d’un nom d’auteur, pour la commodité.
Bref, toute image renvoyée par les autres, ne rencontre jamais mon assentiment, ou plutôt, vous l’aurez peut-être compris, je les prends toutes pour argent comptant. Tous ces registres, tous ces costumes, tous ces personnages représentés par un seul acteur, une seule actrice (je songe à Isabelle Huppert, un modèle en ce domaine), tout ce mixte, ce kaléidoscope, cette machine à produire mille visages…
-Alors, la prouesse est à tous ! conclut avec malice mon questionneur de secrets. – La prouesse c’est l’allégresse de remettre une pièce dans la machine littéraire de nos désirs inassouvis.
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À CORPS PERDU
L’oubli est le plus court chemin dans le labyrinthe dressé par la mémoire La mémoire du temps perdu cherchée dans l’espace d’un texte romanesque où le narrateur se lance plume en main toutes les nuits sur chaque page à corps perdu À corps perdu est peut-être une métaphore : les esprits perspicaces y détectent des similitudes entre des choses qui en apparence sont très éloignées l’une de l’autre À corps perdu rien d’impossible : les rêves que j’écris en comptant les syllabes / le crissement du stylo feutre sur la feuille à fort grammage / les lièvres que la prose poétique lève / les paroles entendues dans la rue transformées en figures / et tous nos impensés qu’en d’autre temps nous appelions nos points aveugles
L’oubli, le court chemin, les longs détours romanesques, le labyrinthe, la mémoire à corps perdu, les exercices d’impensé, tout ce qui à la longue constitue un dictionnaire à part moi.
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