TROIS ARTICLES GRIGNOTÉS DANS LA NUIT


TU GRIGNOTES DANS LA NUIT
ce biscuit inactuel que l’on appelle encor – semble-t-il ? – un poème Avec la craie qui le traça sur le tableau noir de l’enfance Avec le stylo feutre bleu qui enjambe les ponts et les refrains présents Avec tes doigts de vieux copiste aimant les lettres illuminées salle des poèmes perdus
TU TE PERDS DANS DES PAGES
si bien qu’entre deux sommes, le livre rouvert semble être un autre roman. Rien vraiment de rassurant. Tu vas faire une lettre dès demain à l’Éditeur en le priant de la transmettre à l’Auteur, qui en sera ravi ou marri. À moins que ce soit l’Imprimeur qui ait assemblé ton exemplaire de manière aléatoire. En attendant, vaille que vaille, tu te dis qu’après tout, ce désordre-là, est un pas ouvert à l’esprit.
Mis en abyme, ton roman prend les couleurs d’une expérience participative. Et te voilà, lecteur libéré, dialoguant, interpellant les personnages, qui semble-t-il n’en font qu’à leur tête. Tu interviens carrément dans leur conversation, l’action, et même tu y vas de ton flux ininterrompu qui en de longues phrases sinueuses entretient la sous-conversation d’un monologue intérieur. Une page perdue, dix de retrouvées.
UN ROUGE GORGE SE BALANCE
sur le frêle grenadier qui porte ses quatre fruits vernissés et ses dernières feuilles jaunes tremblantes au vent de Toussaint. Tout en observant l’oiseau remuant derrière la porte-fenêtre du salon j’improvise une ballade sur mon piano du pauvre mais en sourdine pour ne pas faire fuir le familier. Passe passe passereau Aux morts ne jetons pas la pierre Passe passe mon pierrot Tic tic tic tsuiit La vie est un mystère.

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  1. Avatar de Jean Jacques Dorio

1 Comment

  1. Suzanne Vidal lectrice de Trois articles grignotés dans la nuit

    Votre poème se déploie en trois mouvements comme une petite suite musicale :

    La nuit : le grignotage de l’écriture, biscuit fragile, entre le tableau noir d’autrefois et les enluminures de copiste — une mémoire en filigrane.
    Le livre : mise en abyme jubilatoire où le lecteur devient auteur, l’imprimeur faiseur de hasards, et le désordre un espace de liberté.
    Le jour : l’apparition du rouge-gorge, fragile et vif, comme une ponctuation vive qui ramène au souffle du présent, au chant improvisé.

    Il y a dans vos vers une manière de lier le discontinu : la nuit, l’errance dans les pages, l’oiseau qui se pose — comme si la poésie traversait sans couture le sommeil, la lecture et la contemplation. Cela me rappelle un carnet où chaque fragment aurait sa saison.

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