JE N’AI JAMAIS VU BÉNARÈS Je n’ai jamais vu l’âme noire d’où s’échappe l’étincelle du dernier songe Je n’ai jamais vu le Gange halluciné des Indes Je n’ai jamais vu Bachelard le dormeur éveillé plongé avec ravissement dans l’éphémère barque de la nuit psychique Je n’ai jamais vu le douanier Rousseau le pittoresque ami d’Apollinaire Je n’ai jamais vu le sol jonché de mains coupées Je n’ai jamais vu le Chef des Signes de l’Automne Je n’ai jamais vu Ravensbrück la racaille hitlérienne dressée comme des chiens Je n’ai jamais vu l’intelligence et l’espérance la débrouillardise résistance de Germaine Tillion Je n’ai jamais vu les Chimères se baignant dans les eaux dormantes Je n’ai jamais vu Hugo désagrégeant le vers –brisant une à une ses barres de mesure- Je n’ai jamais vu les pyramides d’Egypte –ni celle du Mexique d’ailleurs- Je n’ai jamais vu Napoléon Je n’ai jamais vu le Nil –le Bleu le Blanc le Nihil- Je n’ai jamais vu les mouches dans les tombes royales Je n’ai jamais vu Dieu Je n’ai jamais vu le temps passer Je n’ai jamais vu les chutes du Niagara Je n’ai jamais vu Bénarès