MON ART EST DE SURFACE

MON ART EST DE SURFACE

Il court sur le papier Il sonne sur le clavier Il se projette sur la toile Mon art est de surface Intuition mimesis une flûte invisible un mot pour un autre une tache de soleil noir Mon art est de surface un mur arborescent un accord de guitare désaccordée une page perdue dans un livre fermé Mon art est de surface c’est une dédicace donnée par un auteur fictif imaginé par Borges ou le catafalque bleu blanc rouge sur le cercueil de Paul Valéry ce sont les trois minutes trente-trois  de silence  d’une partition de John Cage Mon art est de surface couché par écrit chanté au studio Le Petit Mas projeté sur des toiles d’abstraction lyrique posées à plat sous l’olivier Mon art est de surface : grains de voix collés sur bandes magnétiques traits d’encres appliqués sur le calcaire coquillier ou la plage de Fos cris du soir des martinets Mon art est de surface livre de sable infini clavier plus ou moins tempéré page unique qui termine sa boucle comme un œil qui ne veut pas se fermer

ABSTRACTION LYRIQUE pure acrylique Dorio 18/05/2023

FAIRE CRAQUER SA LANGUE

Faire craquer sa langue Comme une allumette qui éclaire La complexité inépuisable du langage

RACONTER SA VIE est un leurre pour lecteurs naïfs mais on peut laisser ses traces de divers moments vécus au cours d’une vie ou plutôt de plusieurs vies qui passent en nous : récits en prose mémoires oublis autoportraits multiples faits vérifiables ou imaginaires journaux intimes authentiques ou peu fiables paroles rapportées chroniques liées à l’histoire avec sa grande H enfin tout le fourbis et tous les pronoms qui n’ont de personnels que le nom le je du jamais moi le tu du souvent toi et l’il des anamnèses l’elle mon alter-égale le nous brisant le cogito vous n’auriez pas dû lire autant de lincuistres me souffle le penseur précieux de la société des individus ils partirent cinq cents et s’il n’en reste qu’un je serai le premier à pousser ses vies anonymes dans cet espace de papier

JEU D’ÉCRITURE

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JEU D’ÉCRITURE

Si j’écris Je Ce n’est jamais Moi C’est un Je(u) d’écriture

Jeu d’écriture infini noir et blanc où j’accumule les papiers écrits à la main les feuillets en joie et les feuilles en deuil les instants précieux -nos paradis perdus qui n’eurent rien d’artificiels- et les « poèmes à ma morte » écrits (deux ans durant après sa disparition) sur les pierres noires et les galets de la mer Jeux d’écritures mes amers (points de repères fixes portés sur une carte-un portulan- et utilisés pour faire le point en vue de pouvoir crier Terre !) et mes rhumbs (un secteur angulaire 1/32° de la rose des vents) un dictionnaire à part  moi pratique d’une écriture en fragments où chaque texte est une heureuse parenthèse, un va-et-vient comparable aux sillons que mon père traçait avec sa charrue-brabant (équipée de deux séries de pièces aratoires- soc et versoir, rasette, coutre- les unes pour verser vers la droite, les autres, quand on est au bout du champ et que l’on renverse l’outil, pour verser vers la gauche) Jeu des boustrophédons Jeu d’écriture Je multiple qui s’écrit sur les ardoises d’un « moi » qui s’en va doucement vers sa perte, telle la fin de ce texte que j’ai écrit ce matin aux aurores assis sur un tronc d’arbre que l’on vient de couper…dans « mon jardin imparfait » Montaigne

premier jet 24 mai 2023 « comme une aurore de paroles »

https://www.leseditionsdunet.com/livre/un-dictionnaire-part-moi

ALORS QU’EST-CE QUE T’AS ÉCRIT CETTE NUIT ? 16/23 Une nuit de bambochades

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UNE NUIT DE BAMBOCHADES

-Alors qu’est-ce que t’as écrit cette nuit ? -Cette nuit je suis resté cloué au lit, mais sans être malade « complètement malade », comme chantait avec force et malice un certain Lama. Au lit, lisant et faisant forces prélèvements de mots, d’expressions et de vers entiers. -Comme ? – Ces deux décasyllabes dont je te défie de trouver l’auteur : Quand d’Amsterdam le coq chantera La poule d’or de Harlem pondera. -En effet je ne vois pas, mais par contre s’il s’agit d’Amsterdam chanté par Brel, je crois qu’il faut ajouter un « a » à Harlem. -Haarlem en effet, bien joué, tu as raison. C’est une ville voisine du port hollandais qui a donné son nom au quartier newyorkais. Haarlem fut le théâtre de peintures dites « bambochades », tableaux de genres des peintres flamands. Ainsi j’ai fait le tour de quelques reproductions, telle la toile de Jean Both, les joueurs de mora (le jeu de la Moure), celle de Karel Dujardin, les charlatans italiens ou celle de Frans Hals, le vieux joueur de  rommelpot (un tambour à frictions que l’on fait vibrer). Et pour le reste j’ai lu et relu le poème source d’Aloysius Bertrand intitulé Harlem. Harlem, cette admirable bambochade qui résume l’école flamande, Harlem peint par Jean-Breughel, Peeter-Neef, David-Téniers et Paul Rembrandt. Et le canal où l’eau bleue tremble, et l’église où le vitrage d’or flamboie, et le stoël où sèche le linge au soleil, et les toits, verts de houblon. Et les cigognes qui battent des ailes autour de l’horloge de la ville, tendant le col du haut des airs et recevant dans leur bec les gouttes de pluie. Et l’insouciant bourguemestre qui caresse de la main son double menton, et l’amoureux fleuriste qui maigrit, l’œil attaché à une tulipe. Et la bohémienne qui se pâme sur sa mandoline, et le vieillard qui joue du Rommelpot, et l’enfant qui enfle une vessie. Et les buveurs qui fument dans l’estaminet borgne, et la servante de l’hôtellerie qui accroche à la fenêtre un faisan mort. -Magnifique, une pièce rare, de cet auteur dont la prose poétique de Gaspard de la nuit,  inspira Baudelaire. Et le distique du coq et de la poule d’or ? -C’est une centurie de Nostradamus.