RÊVES EN PAGAILLE 2
Je rêve d’un atelier d’écriture Je donne aux participants un vers connu ou inconnu Un vers unique qu’il s’agit d’étirer puis par éliminations successives de réduire à un seul mot Je rêve que je suis dans le fournil du boulanger où j’allais enfant comme un « effaré » Un vautour entre qui prend dans ses serres une miche croustillante Je rêve que je suis à la caisse d’un supermarché mais quand je sors ma carte bleue elle fond dans mes doigts Je rêve d’un dessin de Chaval de l’album Ils sont cons ces oiseaux Une grue cendrée me fonce dessus Je cours comme un dératé mais me retrouve devant un précipice Je rêve d’une petite dame brune qui m’apprend à danser la valse puis le tango tout en jouant de l’accordéon diatonique Je rêve que je fais un speech devant la Sainte Victoire au musée de Bâle (Basel) Mais au fur et à mesure de mon baratin le tableau de Cézanne disparaît au profit de celui d’André Masson Je rêve de Jacques Audiberti dont le père maçon chantait la chanson de ce diable de Nougaro rue du Saint Esprit
Je rêve d’écriture
d’un vers pour un mot
Je rêve d’enfant
et de pain croustillant
Je rêve de marché
de poissons effilés
Je rêve d’un dessin
d’une grue de jardin
Je rêve d’une longue dame brune
lui inventer quelques couplets
Je rêve à la Victoire de Samothrace
entre un monsieur âgé et un comptable
Je rêve de Jacques Higelin
dont le fils chante pour sa mère « La Boxeuse Amoureuse »
Je rêve d’un poème en écho à Dorio
un poème en pagaille sans perdre le moindre rêve
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Je rêve de lectrices qui font du blog « poésie mode d’emploi » leur « web blog » journal de bord de désirs et de rêves associatifs et décalés
Je rêve de lecteurs qui embraient prennent le véhicule-poème en cours de route pour lui faire traverser la route inconnue
Je rêve de Tchouang Tseu le Curieux Sage
Chinois qui s’éveille à la sortie d’un rêve de papillon et qui se demande si ce n’est pas le papillon qui a rêvé de lui
Je rêve de lecteurs-lectrices qui ne confondent pas la littérature avec la publicité de leurs hebdomadaires
Je rêve
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Je rêve.
Je rêve du château de ma mère, de la gloire de mon père en terre d’Andalousie.
Je rêve de vingt-mille lieues sous les mers, surprendre un secret que nul jamais ne devrait pénétrer.
Je rêve de poteaux d’angle, quoi de plus grand, de plus opulent, de plus profond qu’un aphorisme demi chaud.
Je rêve de Plume, de tête sortie du mur, toute lourde et blessée par l’effort… la solitude me pèse.
Je rêve de résidence sur la terre, de Josie Bliss, de couleur bleue sur la mer, de cristal éclaté, je rêve d’exister dans une rue que l’air ferait pleurer.
Je rêve d’un réverbère qui me laisserait entendre que les généraux et les religieuses savent apprécier la perte des moindres rêves.
Que M. Pagnol, J. Vernes, H. Michaux, P. Neruda, A. Breton et P. Soupault me pardonnent ces emprunts, et ces détournements de MOTS… sans eux, adieu rêveries, adieu veau, vache, cochon, couvée…
Je rêve d’un grand RÊVE pour l’humanité
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