AVEC LE MOT OISEAU

Avec le mot oiseau qui contient toutes les voyelles orales du français dans le sillage de Ponge ou la verve de Prévert j’ai souvent laisser entendre mes gazouillis Mais par ricochet aujourd’hui je songe à l’heure tragique vécue par les Gazaouis pris entre l’enclume des terroristes abjects palestiniens et le marteau des bombes israéliennes Et que dire sans enrager des 200 otages pétrifiés femmes enfants vieillards bébés retenus dans l’enfer des sous-terrains de Gaza…Non je n’ai pas l’heur de continuer…

Mais j’invite mes lecteurs à entendre les paroles de deux êtres sensibles brisés par les événements tragiques et soucieux de maintenir en ces temps de détresse les dernières étincelles d’un dialogue porteur, malgré tout, d’espoir

Delphine Horvilleur née le 8 novembre 1974 Vivre avec nos morts

Kamel Daoud né le 17 juin 1970 Meursault, contre-enquête

Quels sont vos sentiments quinze jours après l’attaque terroriste du Hamas sur Israël le 7 octobre et la riposte, toujours en cours, de l’armée israélienne sur Gaza ?

Delphine Horvilleur D’abord, je m’étais dit que j’arrêterais les entretiens. Et puis quand on m’a proposé de dialoguer avec toi, Kamel, j’ai senti combien j’avais besoin de le faire, presque dans un souci de santé mentale. Depuis quelques jours, j’oscille entre une très profonde tristesse, un sentiment de dévastation, et une colère, une rage particulière et un désespoir que je ne connaissais pas en moi qui me suis toujours perçue comme une optimiste. Je suis en manque d’un dialogue humain sensé, empathique, au milieu de cette déferlante de haine et de rage. Je suis en réalité très blessée de trouver si difficilement des interlocuteurs. J’avoue, j’attendais les paroles d’intellectuels musulmans avec qui je dialogue habituellement. Il y en a eu quelques-unes, si essentielles, mais si rares. Quelque chose m’échappe dans ce silence qui me terrasse. J’ai le sentiment d’une immense solitude. Ce matin, à la synagogue, on lisait l’histoire de Noé et du Déluge. Je me suis dit que c’était exactement ce que je ressentais : j’ai l’impression que le monde est en train d’être détruit par un déluge de haine et de rage et que moi, je voudrais construire une arche. Je sais bien que je ne vais pas mettre fin au déluge ou amener les gens à la table de négociation pour la paix au Proche-Orient, mais j’aspire à conserver mon humanité en embarquant sur une arche avec des gens qui la partagent.

Kamel Daoud J’aime écouter Delphine. Et je ressens aussi le besoin de dialoguer pour réaffirmer quelque chose de banal qui est l’humanité, face à cette déferlante d’inhumanité qui s’est infiltrée en chacun, dans chaque camp, dans chaque famille. Mais j’ai aussi une colère, elle n’est pas de même valeur que la tienne, je n’ai pas été attaqué comme les Israéliens dans leur maison, j’ai connu autrefois ce genre d’attaque en tant qu’Algérien durant la guerre civile quand les islamistes décapitaient, massacraient et violaient, mais c’est autre chose. Je suis en colère parce que je suis musulman de culture et que dans ma géographie on me refuse le droit à l’expression et à la nuance, parce qu’on voudrait me forcer à une unanimité monstrueuse qui n’est pas la mienne. Je ressens également cette solitude profonde, incomparable avec celle de ceux qui ont perdu des vies, parce que j’ai pris la parole pour dire qu’une cause doit garder sa supériorité morale, qu’elle s’effondre si elle choisit la barbarie et trouve des gens qui la justifient.

la suite est à lire sur le Nouvel Observateur

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6 Comments

  1. oiseaux du malheur
    en cette terre dite sainte
    certes nous n’avons pas
    l’heur au bonheur

    oiseaux de mauvais augure
    « Ils ont des becs, ils ont des yeux perçants »
    des armes toute prêtes et des actes terrifiants
    les oiseaux du malheur

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  2. Cher Jean Jacques :

    (il faut affirmer, le moment est fort)

    l’écriture est possible
    les mots tiennent
    les graines du monde !.

     » Avec le mot oiseau qui contient toutes les voyelles orales du français dans le sillage de Ponge ou la verve de Prévert j’ai souvent laisser entendre mes gazouillis  »

    Nous sommes au moment des leçons des ténèbres.

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  3. J’avais apris que les mots étaient des oiseaux qu’ils fallaient laisser s’envoler
    lorsque la parole est parole d’espoir et de paix, sinon ce sont les armes qui parlent, la barbarie, et depuis que l’homme est homme ces oiseaux là restent souvent en cage
    Il y a les poètes qui ouvrent les cages les hommes de paix les philosophes, il y a encore beaucoup de chemin à faire mais quel temps reste-t-il?
    Merci pour tes mots, j’aime beaucoup Delphine Horvilleur et Kamel Daoud, puissse-t-on les entendre!

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  4. merci cher Dorio pour ce rajout
     » une arche avec des gens qui la partagent »
    oui à lire absolument jusqu’au bout

    nous sommes nombreux à avoir des amis juifs et musulmans

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  5. RE! oui merci à toi! (petite précision le mot oiseau en hébreu se dit « Tsipor » et c’est ce que j’avais essayé de dessiné à l’aide des trois consomnes la forme d’un oiseau, en décembre 2014…)

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