NOUS LES INACHEVÉS

Dans les mots de Jacqueline St-Jean.

Disons-le tout net, je ne lis pas souvent de la poésie. Mais dès les premiers mots de Jacqueline St-Jean dans Nous les inachevés, je me suis retrouvée dans cette écriture qui n’est jamais intimidante, qui traite du désespoir qui peut surgir à l’approche du néant, de l’aspiration de l’infini.

Pour autant sa poésie n’est pas élégiaque et sa voix porte loin des rivages de l’autofiction. Sa réflexion, tendue vers la réalité, travaillant sur la matière « temps» s’accroche à la vie plus encore qu’à l’écriture même.
Cette artiste à l’intense activité parvient à faire entrer dans ses recueils et à la suivre. J’adhère, je crois comprendre-j’aime à le penser du moins. Non que soit facile cette lecture pour tous, mais surmontant l’impasse de la déclaration, elle trouve la note juste et la tient dans ce triptyque qui répond parfaitement à l’exergue d’un Char moins abscons qu’à l’ordinaire « L’inaccompli bourdonne d’essentiel » : la chair, l’humus et l’horizon, l’air, le ciel.

On ne sait où se cachent ces ruisseaux souterrains qu’elle fait remonter dans ses mots, simples et pourtant choisis, creusés dans la tourbe.
Dans une poésie tendue vers la réalité crue, sacré et profane s’unissent dans un rapport sensuel à la langue dégagée de sa gangue d’un burin giacomettien.
Une poésie forte d’images vives, sans métaphores précieuses ou références obscures qui arrêtent l’œil ; nulle pesanteur dans ses mots qui exaltent l’existence en donnant du style au « chaos de la vie ». En équilibre entre le vide et l’humain, Jacqueline St-Jean tient le rythme de sa partition musicale.

Sophie Chambon

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