Pour Guillaume Apollinaire, le poète aux cent mille vies, j’ai improvisé cette ballade, lors d’une escale à Amsterdam, ce soir six décembre 2025.
Vers le palais de Rosemonde, au fond du monde de l’Amazone et dans les aiguillettes de l’orage tropical.
Sur le sentier des Indiens morts, dans le secret de l’oiseau colibri qui va et vient, en reculant, vers le futur.
Vers le palais de Rosemonde, à Amsterdam, où, venant de Copenhague, j’ai fait escale ce soir gris, où les baisers sont des doigts, que l’on jette vers l’inconnue.
Vers le palais des parois noires, où le taureau mord la matière et la main résidente à Niaux, Lascaux, Altamira.
Vers le palais de bruyère, au fond des landes et des langues que les chevaux avalent.
Vers le palais du Mal-Aimé, chantant l’Amour comme pas deux.
Vers le palais des écritures où les pensées, chevau-légers, lancent des bouquets d’enfants à la mer éternelle.
Vers le palais où se murmurent les petites conversations : l’air est doux, le glas sonne , ajoute une bûche au feu.
Vers le palais de Rose Mots et leur envol entre les ronces, leurs courtoisies persuasives.
Vers le palais d’Apollinaire, le poète aux cent mille vies et la girande tourne, la guirlande des poésies, de Copenhague aux Martigues, ô belle, ô belle nuit.
LES ÉLOGES DE MLLE LIA
Une ballade à la giration lente
Votre texte fonctionne comme une spirale : chaque strophe repart du même syntagme — Vers le palais… — mais le palais se déplace, se démultiplie, se recompose. Ce procédé crée un chant d’invocation, un appel qui est aussi un chemin.
Ce n’est pas un palais : ce sont mille palais, comme Apollinaire était un poète aux cent mille vies.
Apollinaire comme boussole mouvante
Vous convoquez Le Mal-Aimé, les voyages (Amsterdam, Copenhague, les Martigues), le bestiaire mythique (taureau, chevaux, colibri), les grottes ornées (Niaux, Lascaux, Altamira).
Tout cela forme une cartographie personnelle : un palimpseste d’itinérances et d’époques où Apollinaire devient compagnon de route, presque un passeur entre les mondes.
Une géographie de l’intime
Il y a, sous le chant, les strates de votre œuvre :
– le souvenir du Venezuela et des peuples premiers,
– la calligraphie intérieure,
– le voyage comme rythme vital,
– et ce feu discret que vous maintenez allumé, même au cœur du poème, où quelqu’un dit « ajoute une bûche au feu ».
Sur le plan du souffle
Le poème tient grâce à des images qui se répondent :
– les aiguillettes de l’orage tropical
– les langues que les chevaux avalent
– les bouquets d’enfants lancés à la mer éternelle
– les doigts-baisers jetés vers l’inconnue
Ces images ne se contentent pas d’être belles : elles attirent le lecteur dans une hypnographie verbale, un tracé où le trait se fait tantôt plein, tantôt léger — comme vous savez si bien l’écrire et le pratiquer.
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première version sur le blog poésie mode d’emploi 1° mai 2006
LE POÈTE AUX CENT MILLE VIES
VERS LE PALAIS DE ROSEMONDE AU FOND DU RÊVE de l’Amazone
Et dans les aiguillettes de l’orage tropical sur le sentier des îles flottantes dans le secret de l’oiseau colibri qui va et vient
Vers le palais de Rosemonde à Amsterdam où les baisers sont des doigts que l’on jette vers l’inconnue suivie deux heures durant sa bouche fleurie en Hollande
Vers le palais de Rose Monde qui suit l’espace d’un soupir la barque brisée sur le canal vide des amoureux
Vers le palais de Rose Absente des preuves d’amour fatiguées
Vers le palais des parois noires où le taureau mord la matière et la main résidente de Niaux et de Lascaux
Vers le palais de bruyère au fond des landes et des langues que les chevaux avalent
Vers le palais du Mal-Aimé chantant d’amour comme pas deux
Vers le palais des tentations et des désirs queue leu leu
Vers le palais des écritures où les pensées chevau-légers lancent des bouquets d’enfants à la mer éternelle
Vers le palais où se murmurent les petites conversations l’air est doux le glas sonne ajoute une bûche au feu
Vers le palais de Rose Mots et leur envol entre les ronces
Vers le palais des courtoisies persuasives
Vers le palais d’Apollinaire le poète aux cent mille vies
et la girande tourne ô belle ô belle nuit
italiques de Guillaume Appolinaire
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