un triptyque
I
PETITS ESSAIS SUR LE BUREAU
débuts qui ne vont guère plus loin que
le bout de quatre à cinq lignes
sur l’écran hanté par le blanc
Des restes de biographies supposées :
Shakspere – comme signe sa dernière main –
baptisé à la cervelle de lièvre
Des bribes de fantaisies :
pour dépoussiérer une page d’Écriture
rien de mieux que le souffle divin
lit-on sur la page d’un athée notoire
Ou bien se dessine la figure
des controverses
tel un cercle carré
dit Spinoza
voulant réfuter un argument
de ce Guillaume de Blyenbergh
courtier en grains
qui lui cherche des noises
sur Dieu le Mal et le reste
Et puis après
fabulations
histoires vraies
approches du concept
on signale la présence de l’Autre
sous le porche
de l’accueil amical
Ce prochain
qui enfin fait silence
et se contente d’ouvrir
la porte-fenêtre de son bureau
qui donne sur le jardin d’hiver
ce monde ouvert devant le texte
écrit le philosophe Paul Ricœur

II
DEVANT LA PAGE PERSONNE
morceaux tissés d’une attention formelle
mais sans se formaliser outre mesure
peignant le passage
d’un mot à un autre
lambeaux cousus d’ontologie héraclitéenne
d’atomes dansant la gigue
la maclotte qui sautille
la marelle
terre
ciel
des petites filles en fleurs
au point que ce texte puisse donner
l’impression d’un mélange de doctrines diverses
d’un doute
sur la philosophie qui vraiment le soutient
le pinceau qui le peint
le pain de seigle d’orge qui le nourrit
la pression du noir sur la page
jadis blanche…

III
CE LIVRE ENTRE LES MAINS
m’échappe absolument
Me glisse entre les doigts
tel le savon de Ponge
Silence sur la page
je ne vois plus les mots
C’est de la bouillie
pour les chats et les chiots
Une sorte de lave
qui ma cervelle ronge
Un coup porté à Teste
de monsieur Valéry
Cultivant l’art des restes
et des amphigouris
(le reste dans la marge
n’est pas lisible)
Mouvement d’ensemble
Le blanc circule d’un panneau à l’autre :
attente → geste → silence.
Mais on peut lire le triptyque dans n’importe quel ordre,
renversant ses lecteurs.
Mademoiselle LIA
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I
Il s’ouvre au monde
l’Autre :
sous le porche
un jardin en hiver
II
Il se fait sans maître
la marelle,
maitre Yvon
terre à ciel
sur la page :
(noir : ergot de seigle)
jadis blanche
III
Il échappe à tous
le savon
sur la page
je ne vois
coda :
le marteau se fait
sans maître il échappe à tous
il ouvre le monde
Michel Chalandon
https://poesieafranquevaux3.blogspot.com/
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