CAUSERIE
J’ai perdu Baudelaire.
Je l’avais dans les mains, pour vérifier un vers, et puis, le temps de le descendre de la bibliothèque pour la table en plein air de l’été, on m’appelle, on me hèle. Je ne sais plus où j’ai posé cet exemplaire des Fleurs, acheté du côté d’Ulm, après l’oral de Lettres de ma fille, en juillet 2007.
C’était un sonnet.
Vous êtes bien avancé.
Vous êtes dans l’Iliade avec ses doigts de rose.
Vous êtes devant votre ordinateur qui s’éclaire.
Vous êtes un ciel qui sourit à cette Causerie :
Vous êtes un beau ciel d’automne, clair et rose !
Un nouveau dictionnaire à part moi page 25-26
Category Archives: la prose du monde
LE MONDE S’ÉCRABOUILLE
Le mode s’écrabouille, se trucide, se déchire et toi tu continues, ignoré de Balzac et des lecteurs futiles, à produire tes vers de mirliton, faisant tourner à qui mieux mieux ta toton, toupie d’un rituel d’oubli des sinistres réalités.
Oui, mais, aussi, cependant, travailler la métaphore vive, ne pas admettre sa perte, persister dans ce chant baroque des piétinements, basse continue et oxymorons, au grand dam des écrabouilleurs en tout genre, des trucideurs, des faiseurs de guerres infâmes,
Coeur d’amour épris, écrit Matisse fatigué, finissant, en découpant ses papiers de couleur, oiseaux du jazz, signes en verve, manière pour quelques secondes précieuses de réparer les maux du monde, et d’en éloigner jusqu’au bout, les amoureux fervents et les savants austères.
Millau la nuit du 11 juin 2025
PREMIER JOUR À COPENHAGUE
J’écris sous une lune gibbeuse décroissante deux ou trois choses vues dans la capitale danoise
D’abord ma fascination pour les bandes de cyclistes qui tôt le matin et jusqu’au soir sillonnent la ville à toute berzingue. Mais en respectant scrupuleusement les feux.
Au parc Orsted un des rares endroits de la ville vallonné j’ai vu des enfants exultant en pratiquant le roulebarrique de ma lointaine enfance
Tout à côté la grande place Israël plads sur le plan était envahie de centaines d’ados filles et garçons jouant à divers jeux de balles
Jusqu’au moment où sous mes yeux j’ai vu une jeune prof battre le rappel d’un petit groupe de collégiens pour leur faire faire un exercice où l’un après l’autre ils sautaient dans les carreaux dessinés sur le sol
Elle ponctuait chaque saut par ya ya ya jusqu’au com qui les éliminait
(la suite au prochain post)
Copenhague 17 mai 2025
LEÇON DE CHOSES…et d’autres
Leçons de choses
On nous donnait
À l’école de mon village
.
Leçons sur la noix
la pomme ou la mousse
des bois
.
On regardait
On avait aussi le droit
de toucher de tâter
à tâtons tontaine
.
Moi j’essayais d’comprendre
Mais j’aimais mieux
Ce qu’on ne voyait pas
Du gland ou de la noix
Ce qui murmurait
Au fond de notre tête
En présence d’un rameau d’olivier
Ou d’un escargot
.
J’anticipais
Comme dit le poète
Cette fleur
absente de tout bouquet
RICOCHETS
RICOCHETS
Suite de L’heure hors temps
Amanecer
Matin premier, on se réveille avec des livres à rénover, des fleuves à inventer, des pages inédites où le savoir avance, sans trop savoir pourquoi, la tête haute sur l’oreiller, et le pinceau qui court de sa bonne écriture.
Il y a dans ce réveil un bruit de feuilles — celles des arbres et celles des livres — qu’on tourne avec soin. Le monde n’est pas fini : il balbutie encore sous les paupières.
Amnesia
Cette nuit a les couleurs du blanc, de l’amnésie des mots flottants, cette nuit, vous savez cet état où l’on ne sait plus appeler les choses par leur nom, l’accepter c’est une promesse de réinvention.
Et par exemple, on ne dit plus arbre, on le touche. On ne dit plus moi, on noue nos mains.
Manos
Avec ma main première (la droite), j’écris des poèmes. Je m’aventure sur des terres inconnues avec les moyens du bord : la plume sergent major, la feuille blanche, les réminiscences, les techniques d’un vieux singe désireux d’inventer une nouvelle grimace, la fantaisie.
Avec ma main seconde, je puise dans le bien commun des savoirs diffus, qui fleurissent les dictionnaires, les encyclopédies, espérant, comme un naufragé, y trouver un refuge, du moins pour la journée. Là, point de page blanche, mais un cahier d’écolier, bien quadrillé et que je renouvelle quand sa dernière feuille est pleine à ras bord.
Et avec ta main troisième ? me demande le petit malin qui a lu ces lignes en n’en croyant rien.
Silencio…
Traduit du silence Autour de minuit Autour de la plume Qui crie chante rit Silence on tourne Les mots s’effacent pour laisser place au murmure Balbuciendo
12 avril 2025