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POUR L’HONNEUR D’UN POÈTE PERSÉCUTÉ PAR LA SAINTE ÉGLISE PEU CATHOLIQUE
-Alors qu’est-ce que t’as écrit cette nuit ? -Cette nuit j’étais au pays des Lestrygons, celui du chant X de l’Odyssée, où « les chemins du jour côtoient ceux de la nuit ». Une métaphore pour indiquer le lieu obscur où ne filtrent que « quelques minces filets et de lumière, plus pâles que le moindre lumignon », où est écroué le prisonnier dont j’ai relu la défense qu’il écrivit en latin, pour ne pas que puisse la lire et la déformer, la « foule insensée, vile populace, mer instable, aveugle tourbillon, lie de la terre, rebut du monde, ennemie impuissante de la vertu, foule criarde, fidèle soutien de la calomnie, foule infecte, ignare vengeresse de riens, foule aveugle qui n’a pas de nom, si ce n’est « Fama, malum quo non aliud…Tam ficti pravique… »(Énéide : Rumeur, fléau, plus rapide qu’aucun autre…). -Olala ! il en avait gros sur le cœur. -Et oui, car c’est cette populace qui aboyait en relayant les écrits de son accusateur, le Révérend Garassus de « la Compagnie de Jésus » (sic) -Il est temps que tu me donnes le nom du prisonnier. -Oui, ses pages écrites en prison Theophilus in carcere, sont augmentées par Apologie de Théophile, sa requête aux Seigneurs du Parlement : Factum de Théophile et sa lettre au roi Louis XIII. Théophile de Viau victime d’un pamphlet de mille vingt-cinq pages de Garassus la Crasse, à partir d’un livre attribué à notre « Libertin », en réalité monté de toutes pièces par son libraire (éditeur) escroc (il s’appelait Estoc !). Lors la machine infernale de la Sainte Église Catholique Apostolique et Romaine se mit en branle, on brûla Théophile en effigie, il fut arrêté, écroué à la Conciergerie, il subit plusieurs vagues d’interrogatoires, il fit la grève de la faim écrivit sa défense et subit à la fin des fins le bannissement, faute de preuves pour qu’il passe au bûcher. Mais il avait pris la mort dans le cachot obscur et un an après, à trente-six ans, s’en alla ad patres. Vous savez qu’une injuste race
Maintenant fait de ma disgrâce Le jouet d’un zèle trompeur, Et que leurs perfides menées, Dont les plus résolus ont peur, Tiennent mes Muses enchainées. S’il arrive que mon naufrage Soit la fin de ce grand orage
Dont je vois mes jours menacés, Je vous conjure ô troupe sainte Par tout l’honneur des Trépassés, De vouloir achever ma plainte. […] Prière de Théophile aux poètes de ce temps