LA SEINE DE PARIS N’EST PAS LA SEINE DU HAVRE





La Seine de Paris n’est pas la Seine du Havre

L’une passe et se la coule douce

Devant les boîtes de livres

Amarrées sur les quais

L’autre a été mise en boîte

Par un fils de mer cière

Un Queneau

Qui loin du Pont Mirabeau

D’Apollinaire

Alla à l’école havraise

Apprendre bâtons chiffres et lettres

En se curant le nez.





Il était né un vingt et un février en mil neuf cent trois

Le pont Mirabeau parut en mil neuf cent treize

Noyé dans le recueil intitulé Alcools.

En mil neuf cent trente trois

Raymond Queneau raconta en vers sa sychanalyse

Moitié Chêne et moitié Chien.





La Seine de Paris qui finit au Havre

N’a pas fini de nous enfanter

ET MAINTENANT CHERCHE TA VIE !





Je revois les mots d’un poème

d’enfance appris par cœur

pour la récitation quotidienne





J’essaie de me remémorer

ce langage tremblé

issu d’un vieux plumier

et de ses porte-plumes

qui maniaient cocasses

le sens élémentaire

avec le secondaire

l’imprévu l’informel

avec la grammaire

des règles et des exceptions





À la marge du monde

À la marge des rondes

Des jambages des graphies

Et du cahier de poésie

Que l’on illustrait d’enfants

D’arbres de fleurs artificielles

De maisons qui fumaient





Et du chien de Cadou

à qui la petite fille

quand le soir descendait en elle

disait avec douceur :

Et maintenant cherche ta vie !





René Guy Cadou (1920-1951)