TROIS ARTICLES GRIGNOTÉS DANS LA NUIT


TU GRIGNOTES DANS LA NUIT
ce biscuit inactuel que l’on appelle encor – semble-t-il ? – un poème Avec la craie qui le traça sur le tableau noir de l’enfance Avec le stylo feutre bleu qui enjambe les ponts et les refrains présents Avec tes doigts de vieux copiste aimant les lettres illuminées salle des poèmes perdus
TU TE PERDS DANS DES PAGES
si bien qu’entre deux sommes, le livre rouvert semble être un autre roman. Rien vraiment de rassurant. Tu vas faire une lettre dès demain à l’Éditeur en le priant de la transmettre à l’Auteur, qui en sera ravi ou marri. À moins que ce soit l’Imprimeur qui ait assemblé ton exemplaire de manière aléatoire. En attendant, vaille que vaille, tu te dis qu’après tout, ce désordre-là, est un pas ouvert à l’esprit.
Mis en abyme, ton roman prend les couleurs d’une expérience participative. Et te voilà, lecteur libéré, dialoguant, interpellant les personnages, qui semble-t-il n’en font qu’à leur tête. Tu interviens carrément dans leur conversation, l’action, et même tu y vas de ton flux ininterrompu qui en de longues phrases sinueuses entretient la sous-conversation d’un monologue intérieur. Une page perdue, dix de retrouvées.
UN ROUGE GORGE SE BALANCE
sur le frêle grenadier qui porte ses quatre fruits vernissés et ses dernières feuilles jaunes tremblantes au vent de Toussaint. Tout en observant l’oiseau remuant derrière la porte-fenêtre du salon j’improvise une ballade sur mon piano du pauvre mais en sourdine pour ne pas faire fuir le familier. Passe passe passereau Aux morts ne jetons pas la pierre Passe passe mon pierrot Tic tic tic tsuiit La vie est un mystère.

UNE DIMENSION INCONNUE DU VERBE

Je voudrais et j’essaie toujours de circuler en aveugle éveillé à travers les miroirs du monde qui m’entoure pour faire circuler cette dimension inconnue du verbe : L’écriture m’a toujours ravi.e parce qu’elle me permet de formuler ce à quoi, si j’étais resté.e à bâiller aux corneilles, je n’aurais jamais pensé

Je comprends que beaucoup d’écrivains en herbe ou à la tête chenue abandonnent la partie

Ils n’ont pas trouvé leur principe dit l’un

Ils n’adhèrent pas totalement à ce qu’ils font se laissant happer par la rumeur du monde dit l’autre

Ils écrivent pour être lus dit un troisième qui ajoute que cette éjaculation collective de l’écriture tourne à l’apocalypse

Un poète du XVIe se qualifiait avec humour de banny de liesse

Être unique à ses yeux dans son verbe son identité imaginative est la seule clé qui vaille pour continuer

Unique c’est à dire singulier, seul à subir  les coups durs de la vie ou à jouir des épiphanies du quotidien

Unique c’est à dire reconnaissant aux chercheurs inassouvis, artisans de la langue compte tenu des circonstances

Ce patchwork par exemple s’est passé de motifs

C’est celui d’un voyageur dans une cité inconnue qui croyait faire un voyage plus ou moins préparé

Mais c’est le voyage avec ses aléas qui va me faire voyageur ailé ou me défaire éternel insatisfait

C’est ainsi que je me comprends et suis stimulé par la conclusion du livre d’Albert Camus revisitant le mythe grec  : Il faut imaginer Sisyphe heureux

Copenhague 19 mai 2025

ÉCRIRE UN POÈME

Écrire un poème

Mais pourquoi donc ?

La question ne se pose pas

.

Écrire un poème

Ça n’a pas de nom

Ça dialogue avec son daimon

Et ça renverse les dieux

Cul par-dessus tête

.

Écrire un poème

Sans se presser le citron

Ou la maltaise

.

Écrire un poème

Qui est venu à toi

Flottant dodelinant

.

Écrire un poème

Par hasard et nécessité

Naturel et grâce infuse

.

Écrire un poème

Qui parle au papier

Comme au premier venu

.

Écrire un poème

Qui plie et ne rompt pas

Fragile flexible

Comme un roseau

.

Écrire un poème

À l’écart en retrait

Soi-même comme un autre

.

Écrire un poème

Pour voir pour la voix

Pour usant et abusant

Des mots chercher sa voie

ÉCRIRE GAZOUILLER

Écrire gazouiller

Telle la grive

dans les bois de Combourg

Écrire un poème

Un pas de côté

Deux clics de souris

Un pour la sagesse

L’autre pour la folie

Écrire Solitude

Une foule à soi-même

En tenant le registre

De nos Essais

Inaboutis inachevés

Mais à la moindre occasion

D’un amour qui nous tient

en haleine

Recommencer

DÉSIR D’ÉCRIRE

Le goût des mots

Toujours nouveaux

Toujours manquants

Ou disparus

*****

On parlécrit

Toujours épris

De cet affect

Nommé Désir

***

Désir d’écrire

Et cris Et rires

Sans y penser

Ces vers légers

Ce petit feu

Qui brûle nos doigts

………………………..

(il manque un vers

un octosyllabe

scindé en deux

qui me le soufflera ?)