ONZE ANS APRÈS

à mes deux filles

Un soir du 25 mai, comme aujourd’hui,
fête des mères —
un soir, il y a onze longues années,
tu nous as donné ton soupir dernier.

Exactement là,
dans notre chambre
où je prose ces maudits vers,

avec toi
et ton souffle —
braise des derniers feux.

Et tu n’eus pas de dernier mot,
comme on en invente dans la littérature.

Plus tard,
lorsque trois ans furent écoulés,
j’ai publié Poèmes à ma morte
pour ta mémoire,
toi qui nous as tant donné.

Et maintenant
je ne sais plus comment dire.

Le fleuve du temps long
a calmé nos douleurs,

mais non notre désir
de porter en nous
les rêves qui t’habitaient —

ces jours d’azur
et le soleil
de l’enfance.

SILENCE ON TOURNE

Pour Jo 
(10 avril 1952-25 mai 2014)
In memoriam

Oui, si le souvenir, grâce à l’oubli, n’a pu contracter aucun lien, jeter aucun chaînon entre lui et la minute présente, s’il est resté à sa place, à sa date, s’il a gardé ses distances…il nous fait tout à coup respirer un air nouveau, précisément parce que c’est un air qu’on a respiré autrefois, cet air plus pur que les poètes ont vainement essayer de faire régner dans le paradis et qui ne pouvait donner cette sensation profonde de renouvellement que s’il avait été respiré déjà, car les vrais paradis sont les paradis qu’on a perdus. 
Marcel Proust


Silence on tourne
On tourne à vide
On tourne l’urne
Des bulletins
Et des défunts

Silence on conte
Le chat perché
Delphine et Ma
Rinette de
Marcel Aymé

Silence on meurt
La mort du cœur
Dans les tranchées
La mort cancer
De ma bien aimée

Silence on crie
Dans le désert
Et dans le vent
Mais que fais-tu ?
Je suis fétu

Silence on jase
Et l’on babille
Merle moqueur
Faute de grives
Paroles ivres

Dans l’Or du temps


25 mai 2022




Silence on récite JJ Dorio 25 mai 2022