LE RETOUR DE LA BARBARIE

 PEU À PEU NOUS GLISSONS NOUS AUSSI DANS CETTE ÉPOQUE DE BARBARIE qui fut propre à la guerre voulue par le führer comme une réplique à la grande boucherie de 14-18 avec en supplément l’enfer sur terre de la Shoah.  « Une guerre de 30 ans de 1915 à 1945 », l’expression est de George Steiner qui s’interrogea sur « les correspondances étroites qui existent entre les structures de l’inhumain et la matrice environnante des civilisations avancées. » Autrement dit « Pour quelles raisons les traditions et les modèles de conduite humaniste ont-ils si mal endigué la sauvagerie politique ? » Questions multiples envisagées dans « Le château de Barbe-Bleue » : « Je m’attends à ce que nous poussions la dernière porte du château, même si elle ouvre, ou peut-être parce qu’elle ouvre, sur des réalités hors de portée de la compréhension et de l’autorité humaine. Nous le ferons avec cette clairvoyance désolée que la musique de Bartok rend si bien, car c’est le mérite tragique de notre condition que d’ouvrir des portes ». Même si contrairement à l’optimisme des Lumières elles nous ont précipité vers l’Enfer des Camps où « les pleurs des condamnés les empêchent même de pleurer » : Lo pianto stesso li pianger non lascia / e’l duol che truova in sugli occhi rintoppo / si volge in entro a far cresser l’ambascia. Les pleurs mêmes y empêchent de pleurer / et la douleur devant leurs yeux obstrués / se tourne au-dedans en une torture plus grande. Dante L’Enfer chant 33. Et cependant Steiner termine son Essai en penchant vers « la conviction irrationnelle et même indécente qu’il est passionnant de vivre ce moment tardif et sans pitié de la civilisation occidentale. » Une gaya scienza encore de mise en 1970-71, mais aujourd’hui ?

LES ÉLUBRATIONS DE PAPA-LONGUES-JAMBES

LIRE EN S’ENDORMANT S’endormir en lisant Ce livre me tombe des yeux Mais arrête de lire tu vas te crever les yeux Mais si ça me plaît à moi madame ma mère l’Oye de me promener à part dans le ventre d’une baleine ou de me casser la figure en riant comme Bergson Personne ne m’oblige à suivre les élécubrations de Bouvard et de Pécuchet son compère (correction : les élucubrations faut-il écrire de lucubrum petite lumière) Une petite élucubration pas trop sotte émaillée de citations variées pour montrer qu’on connaît son Littré : ce mot ne se dit guère qu’au pluriel et souvent dans un sens moqueur Les Élucubrations d’Antoine parbleu ! Ma mère m’a dit Antoine fais-toi couper les ch’veux Oh ! Yeah ! Et pendant ce temps une école du Tennessee tenue par des parents qui croient que seul Dieu a pu créer la Terre en 7 jours interdit Maus la BD sur la Shoah d’Art Spiegelman une décision digne des bannissements de livres et autodafés des Nazis digne des tueurs islamistes des dessinateurs de Charlie Et pendant ce temps (car il faut essayer de se sortir de cette mélasse noire des temps présents) je relis à grandes enjambées Papa-Longues-Jambes Un bienfaiteur anonyme offre à une jeune orpheline qui étouffe entre les quatre murs de son foyer de l’envoyer à l’Université en échange elle lui écrira chaque mois une lettre lui donnant des détails sur ses études et le déroulé de sa vie « Vous citerez des exemples tirés de votre expérience personnelle » (c’est bon je vais y penser mais en attendant mon livre tombe au pied de mon lit Il est temps de me rendormir en évitant surtout de faire des réflexions sur ce que je viens d’ingurgiter)