en 3 épisodes
À une question qu'on ne lui posait pas, Claude Roy aurait répondu, qu'il écrivait pour lire ce qu'il ne savait pas qu'il allait écrire. Pour ma part, et sous forme d'un "dictionnaire à part moi", je lis pour pouvoir écrire ce que la page imprimée, poème, prose ou genre indéterminé, m'incite à écrire, par ricochets.
1 LE LIVRE CACHÉ
Il y a un livre qui cache la forêt de ma bibliothèque, mais je ne sais lequel.
Une énigme à résoudre comme celle qui se présente au début d’un roman ou d’un film policier.
J’écris ceci, poète dépourvu*, loin de ma maison à livres, où je vis.
Je fais des listes dans ma tête, je lance des flèches, j’épelle des titres.
Ce livre qui cache la forêt de ma librairie, serait-ce celui de Macbeth,
d’Arthur –où tu as mis le corps ?, de la Belle au bois dormant ?
Non, ni celui de l’enfant de la haute mer.
Serait-ce – je ferme les yeux – celui de l’ethnologue qui alla le cueillir
sur les îles San Blas du Panama, là où les indiennes kuna
cousent le monde sur leurs molas.
Pas plus.
Serait-ce, – énigme pour énigme – celui du commissaire Dupin,
enquêtant sur le double assassinat de la rue Morgue ?
Ou bien mon amie poète d’Hibarette, errant,
dans la maison des poupées de Lisbonne ?**
Je revois aussi, ce livre rouge, dont on riait, mais qui provoqua la mort
de millions de personne comme nous,
les profs, les chanteurs, les déviants.
Je l’avais reçu d’un copain qui croyait bien faire
de m’envoyer la version en caractère chinois.
J’ai aussi un livre noir, pacifique, où chaque page ne contient qu’un vers,
puisé dans la poésie française.
« Il fait noir enfant voleur d’étincelles »
Je passe sur les revues, entassées au grenier,
les livres bleus du vieil océan, le livre comme passé à la flamme
d’ « un roi sans divertissement » de Jean Giono.
(à suivre)
*La figure du « poete despourveu » dans les épîtres de requête de Roger de Collerye (Pauline Dorio) La vulnérabilité (ouvrage collectif)
*Hôpital des Poupées Jacqueline Saint-Jean (Editions Alcyone)
« Il n’est plus de nuits, il n’est plus de jours ;
Dors… en attendant venir toutes celles
Qui disaient : Jamais ! Qui disaient : Toujours ! »
J’aimeJ’aime
Oui lisez et relisez « les Amours Jaunes » de Tristan Corbière
« Vers filés à la main » Il nous file le blues
Mais aussi nous délivre du gnian-gnian poétique
« Chantez La vie est courte et drôlement cordée »
J’aimeJ’aime
« Dans le chiendent qui te couvrira
La cigale aussi pour toi chantera,
Joyeuse, avec ses petites cymbales. »
J’aimeJ’aime