treize
L’OFFICIEL DES SPECTACLES quand elle montait à la capitale, avant qu’elle ne s’y installât, était sa bible. Elle enchaînait les séances de cinoche avec les expos. Et tout était noté dans de petits carnets en couleur, après chaque film, musée, galerie. Elle fourrait ensuite le tout dans de grandes enveloppes à bulle sur lesquelles elle écrivait de sa plus belle écriture : « À n’ouvrir qu’après ma mort ».
Après quoi, elle prenait un bain rituel, entourée de fleurs qui variaient selon la saison et chantait les yeux fermés des romances de Reynaldo Hahn ou de Léo Ferré. Et même si personne ne l’entendait, il arrivait qu’elle se sentît heureuse au fond du cœur.
quatorze
CETTE NUIT HORS DE MOI, je revois cette armée de bénévoles nettoyant une à une les pierres d’un jardin Zen. Et c’est « en moi », que je ressens l’oubli de l’enfant que j’étais, observant des matinées entières les lézards du muret du jardin familial, buvant à la fin le soleil de midi, entouré de mousses , de lichens et de l’aura d’un petit prince fabuleux.
ce jardin « paradis perdu » de ma maison d’enfance à La Bastide de Besplas (Ariège)
quinze
XV° TEXTE DE SURVIE selon l’ordre des nuits, mais non l’ordre des chapitres de ce livre fantôme dont j’extrais une à une les pages invisibles.
Choses qui ne font que passer, lit-on dans les notes de chevet de Sei Shônagon, poète japonaise de la Cour impériale du XI° siècle. Comme un « plagiat anticipé », de ce cher Michel qui dans son château de Montaigne, sous les poutres ornées de sentences, « peignait le passage ».
Cette nuit ce sont, promenades en voiture, hirondelles faisant leur nid dans l’étable, jeux de marelles tracées sur la plage, pages sur papier bible tournées en mouillant le pouce ou l’index, giboulées de neige sur cette place d’Ancizan où je vécus sept ans.
Ancizan en vallée d’Aure (Hautes Pyrénées)
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