Perdre le fil sur ces feuillets maculés de poudre Legras avec lequel Monsieur se faisait des fumigations qui loin de l’aider à guérir de son asthme le tuaient à petit feu. Valériane, cascara, trional, tétronal, fumigants qu’il vantait à ses correspondant.e.s, tout aussi drogué.e.s que lui.
Perdre le fil ? Vous plaisantez ! Le narrateur avait toujours son idée, point à l’endroit, point à l’envers, seuls l’appelaient « fouilleur de détails » ceux qui ne percevaient pas le « chercheur de grandes lois ». Et, par exemple, l’incarnation de types d’êtres chez qui « le remplacement successif de chaque cellule par d’autres a amené un changement complet et une métamorphose. »
Un fil perdu, dix de retrouvés. « Alors quoi ce livre, ce n’était que cela ? Ces êtres à qui on avait donné plus de son attention et de sa tendresse qu’aux gens de la vie, n’osant pas toujours avouer à quel point on les aimait. »
À quel point reprenant chaque nuit le fil d’un récit imité des Mille et une nuits, on avait voulu que « le livre continuât », lui ajouter encore un mot, une ligne, une phrase, une page, afin que leurs personnages continuent à vivre et à proliférer, afin que demain ils soient préservés « de n’être plus qu’un nom sur une page oubliée ».
Citations Marcel Proust préface de Sésame et les jours
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