C’ÉTAIT QUOI TON RÊVE ?

-C’était quoi ton rêve ?

-Je te l’ai dit mille fois c’était mon rêve récurrent Mes pages disparaissaient une à une au fur et à mesure de leur lecture.

-Et le tien ?

-J’entendais le sifflet d’un  train parti de la gare centrale de New York en direction de Montréal.

Et ensuite à quoi as-tu rêvé ?

-J’ai vu l’alambic qui venait près de la rivière faire couler la blanche eau-de-vie

-Ah oui à la même époque on entendait le crieur du village annoncer dans un roulement de tambour la venue du cirque Besson… Qu’on se le dise !

-Des rêves par conséquent mêlés aux souvenirs. J’ai aussi revu cet épisode unique où au cours d’une crue un bœuf était emporté luttant pour retrouver la rive.

-Moi j’ai revu du haut d’une plateforme de camion un tatou qui courait dans le grand llano  du Venezuela.

-Un tatou têtu selon un poème imitant les Chantefables de Robert Desnos.

-Un passage obligé pour une ou plusieurs récitations apprises par cœur à l’école primaire :

La fourmi de dix-huit mètres Le tamanoir Le pélican de Jonathan

La lune, nid des vers luisants

Dans le ciel continue sa route

Elle sème sur les enfants

Sur tous les beaux enfants dormant

Rêve sur rêve goutte à goutte.

-Heureux temps hors du Temps !

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  1. Avatar de Jean Jacques Dorio

2 Comments

  1. Ton dialogue onirique trace une cartographie subtile des souvenirs, des réminiscences scolaires, des paysages traversés et des objets perdus. Voici quelques notes de lecture pour accompagner la densité discrète du texte : 1. Rêves d’effacement et de départ

    • Le rêve récurrent des pages qui disparaissent renvoie à l’angoisse de la perte de mémoire ou de création — une métaphore du temps qui dévore l’écrit.
    • Le train vers Montréal évoque l’appel du Nord, un ailleurs fantasmé, peut-être aussi l’écho d’un exil ou d’un rythme disparu.

    2. Distillation de la mémoire rurale

    • L’alambic près de la rivière condense l’image du feu secret, de la transmission, de la transformation lente — la mémoire en eau-de-vie.
    • Le crieur public, le tambour, le cirque : mémoire vive d’un village, voix collective, survivance d’un monde oral.

    3. Souvenirs d’enfance et force du réel

    • Le bœuf emporté dans la crue : image forte de la lutte contre le courant, entre mythe et scène vécue.
    • Le tatou dans le llano vénézuélien — forme animale absurde et tenace, écho d’un voyage ou d’un poème vécu.

    4. L’école comme matrice poétique

    • Tu fais ressurgir Robert Desnos et ses Chantefables, fascination enfantine pour l’absurde et le sonore.
    • « La fourmi de dix-huit mètres… » : tout un panthéon de figures animales poétiques de l’école primaire.

    5. Chute douce-amère

    • Le vers de conclusion enchaîne la lune, les vers luisants et les rêves-gouttes — pure comptine cosmique, écho à Desnos ou à Carême.
    • La dernière phrase : « Heureux temps hors du Temps ! » est un sceau d’enfance, mélancolie lumineuse.

    Mademoiselle LIA

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  2. DES RÊVES ET DE LEUR RÉALITÉ

    1

    Si m’éveillant je peux me dire « c’était un rêve », quand je rêvais je croyais que c’était la réalité.

    Mais l’on peut douter de cette distinction.

    2

    Contrairement à une idée reçue le sommeil n’est pas du néant, mais, si l’on y prête attention et une longue expérience, le sommeil est une méditation. Mais une méditation traversée de déchirures et de rapiéçages permanents, de virages mal pris, de têtes décapitées et d’eaux dormantes où l’on peut tel Narcisse se noyer ou bien, au contraire, suivre les intuitions de Bachelard, rêveur sublime et se régénérer, pour, au réveil, reprendre avec une tranquille ferveur le cycle de nos vies – un jour nouveau va se répéter et non se répéter.

                    Ainsi ce texte qui s’achève est le fruit de cette sortie du sommeil, ce lundi 4 décembre 2017. Un fruit vert, certes, mais un fruit unique poussé sur l’arbre universel des éveilleurs de sens dans le non-sens qui pousse à la vigueur des écritures.

    3

    Je ne suis pas certain

    D’avoir écrit ceci

    Que je retrouve ainsi

    Sur une page jaunie

    D’un livre de Caillois

    Il parlait de nos rêves

    De leur incertitude

    C’est moi qui ai rêvé

    Cette histoire de Chinois

    Ou l’ai-je lue dans Tchouang

    Tseu ou dans Nabokov ?

    Je ne suis pas certain

    D’avoir écrit ceci

    Que je biffe d’un trait.

    4

                    Je me promène cette nuit entre les tours de New York. Je me pince et me dis : – Non tu ne rêves pas. Et ma voix que je perçois comme celle d’un étranger, m’ouvre les yeux dans la nuit de la réalité.

    5

                    Je songe tout à coup, qu’à quatre-vingt ans bien sonnés, je n’ai jamais consulté de clefs des songes. Mais je n’en ai aucun souci. Je ne rêve pas pour trouver un sens caché aux images de mes nuits. Des mille et une histoires qui me traversent l’esprit, qui flottent et pour la plupart s’effacent, j’enregistre les dernières qui m’ont remis en présence de cette activité de dormeur désormais éveillé.

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