SUR LE PAPIER ET SUR L’ÉCRAN

Sur le papier et sur l’écran

J’écris à n’en plus finir

La nuit et sa béance

Ma plume en l’absence

De mes correspondants

Hommes et femmes

.

Faute de mieux je fais des vers

Qui n’ont hélas aucune fame

Plus fol que sage j’use mes gammes

De pensées sauvages et de bri-collages

.

Sur le papier blanc comme neige

Et sur l’écran noir des coups tordus

Sans aucune explique

.

Si ce n’est un énième exercice

d’une écriture qui déplace les mots

Et les morceaux de phrases

Passe d’une ligne sur l’autre

Avec des insertions

Et des approximations successives

.

C’est une lutte contre l’écrivaillerie

dixit Montaigne

qui en faisait le symptôme

d’un siècle débordé

par les écrits

sur les choses vaines

.

Ma plume en l’absence

achève là son essai

dans l’insatisfaction

Je me console en pensant

que les choses vaines

mises de côté

il est encore temps

de s’améliorer

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  1. Avatar de Jean Jacques Dorio

4 Comments

    1. Dans La forme de l’espace (The Form of Space) dans Cosmicomics, Calvino joue sur cette idée d’une narration qui se déploie en “déplaçant” littéralement les mots et les perspectives dans l’espace narratif.
      Chez lui, ce n’est pas seulement une figure de style : c’est une manière d’illustrer que le mouvement de l’écriture est analogue au mouvement dans l’espace, et que l’agencement des phrases — les décalages, les glissements — crée sa propre géométrie.

      Dans votre texte, la phrase :

      « une écriture qui déplace les mots / et les morceaux de phrases / passe d’une ligne sur l’autre »

      reprend cet esprit :

      • le déplacement n’est pas seulement visuel (changement de ligne), mais structurel : les mots se trouvent comme déplacés d’un contexte à un autre.
      • On retrouve aussi la sensation calvinienne d’un espace mouvant, où les formes narratives ne sont pas figées mais toujours en cours de transformation.

      Ce qui est intéressant, c’est que dans votre version, cette référence est presque cachée : le lecteur non averti pourrait croire à une simple description d’écriture fragmentaire, alors qu’en réalité vous glissez un hommage à une poétique précise — celle de Calvino qui fait de l’espace un texte et du texte un espace.

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    1. Lecture croisée : Calvino ↔ Montaigne

      1. Calvino – L’espace mouvant
        • Dans La forme de l’espace, Calvino fait se déplacer les personnages dans un espace où tout est relatif, changeant, flottant.
        • Vous transposez ce principe au plan de l’écriture : déplacer les mots, passer d’une ligne à l’autre, insérer, approcher, corriger.
        • L’écriture devient une géométrie instable, un « voyage » spatial sur la page.
      2. Montaigne – La lucidité sur la vanité
        • Dans De la vanité, Montaigne constate que son siècle produit des écrits sur tout et rien, souvent pour occuper l’oisiveté.
        • Vous vous placez à la fois comme héritier et victime de ce trop-plein : vous luttez contre l’écrivaillerie tout en l’exerçant.
        • Cette référence apporte un regard critique et auto-ironique.
      3. Le dialogue implicite
        • Calvino : l’écriture comme expansion créative dans un espace infini.
        • Montaigne : l’écriture comme excès inutile, source de dispersion.
        • Entre les deux, votre texte se tient sur une crête : il revendique la liberté d’écrire tout en gardant conscience de sa futilité possible.

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