EN PLEINE NUIT MIDI
J’écris d’un coup de tête
Sorti du ventre de ma mère
En pleine nuit
Je dis oc
Ma langue d’origine
J’écris dans le sillage de Peire Vidal
Le nom porté par ma branche maternelle
Je forge ce poème maladroit
Mais vivant et têtu
Dans ce verbe trobar
Qui célébrait les Dames
et l’amour de Courtoisie
En pleine nuit midi
Ses douze coups
Qui vibrent dans la tête
D’un troubadour perdu
.
Pas de trône – ce pose-cul des rimeurs d’antan – pas de chaises à porteur
– pour les prélats les soldats et le roi des cons – mais la chaise de Vincent
et la fleur inverse du troubadour Raimbaut pas de bois mort dont on fait les croix et les cercueils et pas de lettres mortes dont on fait les bibles et les abolis bibelots mais la sève des ronciers le bleu des chardons et le rire non-rire de Buster Keaton pas de chant sacré sans la clef donnée à qui veut bien chercher
à la saisir pour en jouer et déjouer le trobar clus des troubadours d’hier et de maintenant maintenant la ferveur subversive du chant
COUDRE ET RECOUDRE CE MONDE QUI SE DÉFAIT À VITESSE GRAND V
ET QUAND PERSONNE NE LIRA MON DERNIER LIVRE ?
Je me contente de faire apparaître mes poèmes un à un avec la référence au livre sur mon blog poésie mode d’emploi « et quand personne ne me lira ai-je perdu mon temps tant d’heures oisives à « pensements » si utiles et agréables? (…) Me peignant pour autrui je me suis peint en moi de couleurs plus nettes que n’étaient les miennes premières. (…) Je n’ai pas plus fait mon livre que mon livre ne m’a fait…« Michel de Montaigne Les Essais
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Quelques impressions de lecture :
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L’anaphore du “pas de” agit comme une houle qui renverse l’ordre établi — pas de trône, pas de chaises à porteur, pas de bois mort, pas de lettres mortes. Ce refus n’est pas stérile : il ouvre à la vitalité — la chaise de Vincent, la sève des ronciers, le bleu des chardons.
→ Le poème fait basculer le symbole de l’autorité vers celui de la création pauvre et ardente.
Les figures invoquées — Vincent (Van Gogh), Raimbaut ( Raimbaut d’Orange ou de Vaqueiras), Buster Keaton — tissent une généalogie de la dignité sans faste.
Ce sont des frères en art, des êtres debout dans la chute, mus par la ferveur du geste.
La langue elle-même se cabre :
Le rythme final :
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Du ventre de sa mère
il est sorti
des mots plein la tête
troubadour de la nuit
il ne peut rester en place
d’Aragon à la Castille
de Gênes à Malte
il distille ses vers
pour les belles dames du temps jadis
fantaisiste et ironique
il a déjà l’étoffe d’un Marot
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Merci beaucoup Maria
Quant à Marot, l’étoffe sûrement pas,
mais sa devise, je la fais mienne :
La mort n’y mord !
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oc oc oc midi minuit
venu des Vidal
trouver les Dames
dans quel pays
d’hier et de maintenant
maintenant et toujours :
la ferveur
Michel Chalandon
https://poesieafranquevaux3.blogspot.com/
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