LE PICODIVINDRÉ

J’écris dans les grandes largeurs à l’italienne

J’écris à longueur du temps qui me ronge

J’écris pour fêter une enfance ou d’une autre manière un enterrement

J’écris que j’ai vu l’orvet glisser dans la douceur du soir

Je me souviens qu’en occitan on appelle ce serpent de verre un picodivindré (pique-vendredi)

J’écris pour ne pas retenir par cœur des phrases

aussi bien les sublimes que celles qui n’ont ni queue ni tête

J’ai écrit ce nouveau poème en lisant Postface de Léon Paul Fargue

Martigues vendredi 7 février 2025

MOI QUI SUIS POÈTE

Moi qui suis poète

Tu lis ça dans ton lit

En moquant cette prétention

galéjade forfanterie

Il est vrai que le poète en question

s’en tient à une définition modeste

Il sait les lettres leur maniement

Ce qui  lui vaut (soit dit en passant)

la reconnaissance d’un Gallimard

peu enclin pourtant à publier

livres de poèmes bien alignés

Le poète en question allant quitter l’affaire   (il approche de la fin) fait à ce propos preuve d’humour témoin friable de son propre corps :

Ne vous méprenez pas je ne vous demande pas de croire en moi

C’est déjà bien que j’y croie moi-même

Ce sont croyances d’office qui me semblent déficientes

L’union précaire de moi avec moi-même m’en fait douter*

*Jacques Darras Je m’approche de la fin

HEURES EXQUISES

Il est une heure exquise à l’approche de vers

Forgés et publiés au siècle dix neuf

Par des magistrats, avocats, journalistes,

Disparus des radars aujourd’hui.

Pour l’un c’est la mémoration des corolles fanées

Pour un autre le charme amer des choses qui vont finir

Libres senteurs et francs maçons ils brisent volontiers pattes et vertèbres aux bourgeois

Aiment les dames de Paris trottinant par les boulevards gris

Et dans leurs vers à trous ils font chanter de l’ombre

ENFIN SEUL

Sur un petit bout de page

À une heure du matin

Enfin seul ! écrivait Baudelaire

Enfin sans les tyrans et les mégères de l’Assemblée qui ont couvert de crachats verbaux durant une heure et demi le premier ministre homme de bonne volonté durant sa déclaration de politique générale

Enfin je vais chercher à produire quelques beaux vers qui me prouvent que je ne suis pas inférieur à ceux et celles que je méprise

Trois heures du matin j’ai relu Les fleurs du mal

Et si j’avais un vers unique à donner

Ce serait :

La musique souvent me prend comme une mer !

UNE ODE SUR LE TEMPS

Grandiloquent le Temps passe chancelant

dans une ode sans fin écrite au siècle 18

On a droit à la cloche d’airain faisant frémir l’oreille des mortels

Aux siècles qui s’entassent

Aux humains insensés qui s’oublient dans de viles richesses

Quand c’est l’âme qu’il s’agit de cultiver

Comme on fait des pensées

Et puis soudain on se frotte les yeux

On lit : O Temps suspends ton vol !

Pas de bol pour Lamartine pris par la patrouille qui traque les plagiats

O lac de 1817 reprend ce vers célèbre de cette Ode sur le temps d’Antoine Léonard Thomas (1732-1785)