PAISIBLE ET BUCOLIQUE

J’écris sur l’écran

Le nouveau papier

Où s’inscrivent

Les perles rares

Les perles confites

Les perles qui font

La peau au temps

Qui déjà fait entendre

Son quart de siècle

Dans les sonnailles

Des brebis portant

Leurs agneaux nouveaux

Et le tohu-bohu baudelairien

D’un monde qui se défait

Perdant ses liens

Paisibles et bucoliques

Pour la guerre à outrance

Des poutinotrumpiens

DES PHRASES SOUFFRI-SOUFFRA

Je vois des phrases SOUFFRI-SOUFFRA comme un opéra de Cobra sur l’Ukraine

Je vois les arbres de mon jardin qui viennent de se coucher pour dormir leur nuit

Je vois le fil de l’horizon qui serpente et fait entendre la musique de Tubular Bells

Je vois la mer se retirant de la Cordillère des Andes

Je vois la mousse rongeant la moumoute de l’absurde président des States

Je vois SOUFFRI-SOUFFRA la tragédie shakespearienne sur l’Ukraine

CE QUI EST TU N’EST PAS DIT

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Tu joues à qui perd gagne
Ce qui est tu n’est pas dit
Tu revois le couple de fous de Bassan
Dans la crique de la Redonne
Où descendait Blaise Cendrars
Tu entends suraigus les martinets
Tu fouilles piques et piètes
Tu te souviens du toucan porté sur l’épaule comme Crusoé
Tu croises les perruches du llano un soir de mai 1969
Tu entends la voix de la dernière indienne de la Terre de Feu


RIEN N'ÉTAIT ÉCRIT
Des pronoms personnels
Travail au long cours

NOMMER LE MONDE EST-CE COMME PONDRE UN OEUF ?

Nommer le monde qui nous entoure

Mots à mots qui viennent à la queue leu leu

Page à page où naissent des orages

Sur des volcans devenus vieux

Nommer mélancoliquement la vie devant soi

Pour lire après coup ce qu’on ne savait pas qu’on allait pondre

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première page écrite à propos des clochers de Martinville par l’enfant Marcel anticipant le futur écrivain

Je ne repensai jamais à cette page, mais à ce moment-là, quand, au coin du siège où le cocher du docteur plaçait habituellement dans un panier les volailles qu’il avait achetées au marché de Martinville, j’eus fini de l’écrire, je me trouvai si heureux, je sentais qu’elle m’avait si parfaitement débarrassé de ces clochers et de ce qu’ils cachaient derrière eux, que comme si j’avais été moi-même une poule et si je venais de pondre un œuf, je me mis à chanter à tue-tête.

Marcel Proust Du côté de chez Swann