LES POÈMES

Les poèmes ne tombent pas du ciel

Les poèmes ne se trouvent pas sous les sabots d’un cheval

Les poèmes nouveaux essaient en vain d’échapper aux anciens

Les poèmes font mouvement vers l’émotion d’un instant unique

Les poèmes font aux penseurs la nique

Les poèmes se font par essais successifs qui font crisser la page

ou quand c’est raté la déchirent

J’ai dicté ce poème à Madame Puérilité qui a ajouté

Pour les enfants et pour les raffinés

PORTÉ PAR PORTAL

Une page blanche j’en ai couvert des milliers mais si je savais comment réussir à coup sûr son écriture j’arrêterais tout de suite

Ce soir en l’écrivant j’ai de la chance je suis porté par Michel Portal

Un musicien qui a joué de toutes les musiques un dérangeur : ça m’arrange

Et naturellement ça dérange les auditeurs et les lecteurs qui ne savent pas comment s’y prendre avec l’oeil l’oreille et les pieds par-dessus le marché qui martèlent le rythme d’une ballade

Celle d’un Pendu

Non celui de frère François Villon

Mais celui de l’arcane du tarot de Marseille

Le XIIe qui survient suspendu par les pieds dans la pudeur du monde

Voilà ma page vierge jaune comme si j’avais pondu un oeuf

Et maintenant Musica maestro

CHAQUE PAGE BLANCHE M’EST INCERTITUDE

CHAQUE PAGE BLANCHE  
m’est incertitude Mais sans garantie aucune je m’y lance pour pratiquer cette action insensée : mesurer l’impact des mots qui vont s’écrire sur mes affects mes idées d’un instant qui ne font que passer Au hasard d’une nécessité ? Je ne sais…mais j’essaie de la laisser se composer Page blanche, vierge et vivace en ses attraits Et puis perdue dans un vol trop heurté ou quelquefois dotée d’un charme mystérieux Celle-ci, comme bien d’autres aura été pour le moins esquissée transférant les incertitudes qui me nourrissent de la main au papier.


Un nouveau dictionnaire à part moi page 28
Avec l'ajout d'une hypnographie




Une autre page éphémère donnée uniquement sur mon blog poésie mode d'emploi 

DEVANT LA PAGE PERSONNE

morceaux tissés d’une attention formelle
mais sans se formaliser outre mesure

peignant le passage d’un mot à un autre
lambeaux cousus d’ontologie héraclitéenne
d’atomes dansant la gigue
la maclotte qui sautille
la marelle terre ciel
des petites filles en fleurs

au point que ce texte
puisse donner l’impression
d’un mélange de doctrines diverses
d’un doute sur la philosophie
qui vraiment le soutient

le pinceau qui le peint
le pain de seigle, d’orge
qui le nourrit

la pression du noir
sur la page
jadis blanche…

LE MONDE S’ÉCRABOUILLE

Le mode s’écrabouille, se trucide, se déchire et toi tu continues, ignoré de Balzac et des lecteurs futiles, à produire tes vers de mirliton, faisant tourner à qui mieux mieux ta toton, toupie d’un rituel d’oubli des sinistres réalités.

Oui, mais, aussi, cependant, travailler la métaphore vive, ne pas admettre sa perte, persister dans ce chant baroque des piétinements, basse continue et oxymorons, au grand dam des écrabouilleurs en tout genre, des trucideurs, des faiseurs de guerres infâmes,

Coeur d’amour épris, écrit Matisse fatigué, finissant, en découpant ses papiers de couleur, oiseaux du jazz, signes en verve, manière pour quelques secondes précieuses de réparer les maux du monde, et d’en éloigner jusqu’au bout, les amoureux fervents et les savants austères.

Millau la nuit du 11 juin 2025