L’ÉTRANGE VOIX DES POÉSIES

Je dis j’écris je lis ce que n’est pas l’ identité ce que n’est pas son imaginaire unité

Je dis à ma carte d’identité que j’aimerais voir inscrit à la ligne particularité : cherche inlassablement l’or du temps

J’écris à mes amis Michel disparus comme on parle au papier pour l’écrivain des Essais et comme on parle aux sculptures thérapeutiques muchu taillées dans du balsa la tête en bas dans la partie du morceau de bois la plus proche des racines pour le second mon ami ethnologue

Je lis ailleurs que bien que nous prétendions faire preuve d’originalité nous sommes une création de la pensée des autres

Je dis j’écris face à ce qui se dérobe je maintiens cette voix étrange des poésies pour celle qui depuis le 25 mai 2014 a perdu la voie

Je lui chante mezzo voce la chanson éternelle des feuilles mortes tu vois je ne t’ai pas oubliée

ONZE ANS APRÈS

à mes deux filles

Un soir du 25 mai, comme aujourd’hui,
fête des mères —
un soir, il y a onze longues années,
tu nous as donné ton soupir dernier.

Exactement là,
dans notre chambre
où je prose ces maudits vers,

avec toi
et ton souffle —
braise des derniers feux.

Et tu n’eus pas de dernier mot,
comme on en invente dans la littérature.

Plus tard,
lorsque trois ans furent écoulés,
j’ai publié Poèmes à ma morte
pour ta mémoire,
toi qui nous as tant donné.

Et maintenant
je ne sais plus comment dire.

Le fleuve du temps long
a calmé nos douleurs,

mais non notre désir
de porter en nous
les rêves qui t’habitaient —

ces jours d’azur
et le soleil
de l’enfance.