3
L’AMOUR DES POÈMES
-Alors qu’est-ce que t’as écrit cette nuit ? -J’ai marché sur les pages écrites par deux poètes amis. L’un qui vient de me les envoyer 1, l’une autre qui me les a offertes et dédicacées personnellement il y a huit ans passés2. -Des poètes ? Ça existe encor des poètes ! -À vrai dire je ne crois plus en effet que le mot soit adéquat, mais pour ce qui concerne des femmes et des hommes d’aujourd’hui, qui écrivent ce que l’on peut toujours appeler « poèmes », ça je peux te l’affirmer, oui, mille fois, oui. -Et qu’est-ce qu’ils disent ces poèmes ? -Mais ils ne « disent » pas les poèmes, ils étonnent, ils suggèrent, ils suscitent des émotions, ils réactivent des images que l’on croyait mortes et enterrées, ils nous font nous arrêter de lire, comme en suspens, pour nous interroger ou bien, c’est encore mieux, reprendre la plume abandonnée depuis l’enfance ou l’adolescence. -Bon, d’accord, alors je veux bien passer aux travaux pratiques. Je t’écoute. -Voilà, je vais mêler ces deux voix semblables et si différentes. Il s’agit pour elle et pour lui de poèmes qui tournent autour des côtes, rivages et toponymies de « Bretagne ». Je vais citer, mais pardonne-moi, je dois rompre, pour cause de mise en page, la verticalité pour l’horizontalité (il ne tient qu’à toi de les recopier dans leur premier état) : Ici tout écrit Voyelles d’écume/ Calligraphie d’ailes/ virgules des voiles/ Géométries du vent J St J Cette mer/ Toi qui meurs/ entre sable et galets/ face à l’immense/ s’asseoir/ et regarder JM C Nos pas lentement/ nos pas/ à marée basse/ sur le talus/ la primevère/ et les pétales du cerisier/ Traces de pas infimes/ pour qui pourquoi/ de qui aussi JM C Bouteille à la mer/ poème à l’inconnu/ Il dérivera vers un pays futur/ Il se perdra peut-être/ au labyrinthe des courants/ […] Celui qui le lira/ fera le voyage J St J
1 Jean-Marie Corbusier Breizh en partage Photos Dominique Neuforge (Le taillis Pré) 2 Jacqueline Saint-Jean Dans le soufflage du rivage Photographies Francis Saint-Jean (Tertium édition) Dédicace : « Pour Jean Jacques ces instants côtiers, où la mémoire rêve »