Cabourg 10 juillet 1909
Martigues 24 mars 2020
Madame,
J’ai reçu votre délicieuse carte avec un immense plaisir. Et avec cette délicatesse qui vous caractérise, je l’ai reçue le jour même de mon anniversaire. Votre envoi supplante toutes les lettres ampoulées, les bouquets de fleurs bien vite fanées, ou ces friandises que l’on nomme chocolats.
Vous n’ignorez pas combien j’associe votre nom à toutes mes pensées de tendresse, de beauté et d’admiration. Et en même temps, quand je suis en votre réelle présence, je suis comme pris d’une si forte émotion, que je reste muet ou balbutiant, comme un enfant qui se fond dans la couleur jaune qui vient de sortir de sa palette ou s’oublie dans un papillon voletant dans son jardin secret.
Mais de tout cela, jardin, pensées, voix du silence qui sont en nous et qui, si nous parvenons à les écrire, nous métamorphosent, j’ai le plaisir de vous dévoiler que j’ai commencé à l’inscrire dans un tout long livre, dont vous découvrirez quelques pages, à la rentrée, dans le feuilleton du Figaro.
Je connais vos dons de lectrice avisée, et vous savez combien votre regard sur moi fait parti de mon identité. Aussi, quand après m’avoir lu, nous nous reverrons, nos paroles pour la première fois, j’ose l’espérer, auront plus de consistance et, si je puis dire, de réalité.
À ce propos, vous ne m’en voudrez pas j’espère, de n’avoir pu m’empêcher de m’inspirer de quelques- uns de vos traits pour peindre au moins deux de mes héroïnes. (cette phrase retrouvée dans une lettre préliminaire n’a pas été envoyée)
Adieu Madame, veuillez accepter mes hommages d’attachement reconnaissant et profond.
Marcel Proust
source plagiée
lettre de Marcel Proust depuis le grand hôtel de Cabourg à Madame Strauss*
demeurant l’été au « Clos des mûriers »
à Trouville
*ex Genevièe Halévy
Madame Bizet…
un peu duchesse de Guermantes
un tantinet Odette
et qui encore ?

d’écriture de Marcel Proust

de Marcel Proust
adressée à Madame Strauss