LE SOUFFLE D’UN SONNET

Quelques alexandrins ça repose des brumes

Des bruits de la cité des querelles intestines

Du fracas des télés que les pauvres allument

Pour écouter Machin nous parler de Poutine

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Quelques alexandrins on peut casser la rime

Ainsi fait le poème indigne du désir

très pur qui le dicta mais enfin il existe

On l’atteste on l’affirme la plume à la main

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Sur l’ardoise du temps les mots hantent les choses

Le chaudron de Chardin la chaise de Van Gogh

La pipe de Magritte la lampe de ta chambre

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Avec le cœur vibrant de la mer sous la lune

Une chanson de mai d’un Brésilien sublime

Le rythme et le souffle présents dans ce sonnet

T’IMAGINES

T’imagines ces lignes à la lueur d’une chandelle censée éloigner la foudre qui nuit à ton existence

T’imagines que tu tires un à un les arcanes majeurs du tarot de Marseille

T’imagines entendre une voix puissante et railleuse qui dit : -Voilà qui va faire sortir l’Hermite de son trou !

T’imagines que tu te retrouves dans ton école Freinet avec des lettres de bas de casse qui collées une à une accomplissaient le miracle de te sortir des situations les plus désespérées

T’imagines voir les chats huant fumer la pipe de Brugeilles

T’imagines qu’une horloge pousse dans ta tête et menace si tu l’arrêtes de faire une dépression nerveuse

T’imagines l’Hermite au pied léger qui promène sur son dos un harfang de l’Arctique

T’imagines le Bateleur debout devant son établi secouant dans son gobelet les dés du divin « hazard »

T’imagines Juliette chantant Si tu t’imagines fillette fillette Si tu t’imagines si tu t’imagines

T’imagines Queneau le père de cette chanson germanopratine qui sort de son dernier bouquin et qui happe toute cette histoire « avec ses petites paches de mouttes »

t’imagines que tu as reçu une lettre qui donne une impression de surnaturel

J’AI VU PRÉVERT FUMER SON PETIT NINAS





J’ai vu Prévert fumer son petit ninas et Ferré ses celtiques

Moi qui ne suis rien j’ai fumé le havane – Monte Cristo n°3 – et la pipe de bruyère en fleur

J’ai vu les paysans de mon village faire une pause dans les champs et ouvrir religieusement

leur blague à tabac sortir le papier Job pour y rouler leur scaferlati –appelé aussi « gros cul »

J’ai vu une copine actrice de 68 fumer comme un pompier ses gauloises vertes de peur –

de peur de se sentir vide sans richesse intérieure

J’ai vu l’amérindien polir la feuille de tabac sur sa cuisse puis la couper à la machette et en faire une petite boule à conserver entre ses dents – quand il crachait c’était tout noir comme le soleil de Nerval

La pipe de Guillaume Apollinaire était d’écume – de ces pipes qu’on fume en levant son front chantait Brassens l’homme aux multiples bouffardes posées sur leur râtelier

J’ai sous les yeux l’image de la plus célèbre pipe de l’histoire de la peinture et pourtant ceci n’est pas une pipe écrivit au-dessous d’une écriture impeccable René Magritte

Mon écrit peut maintenant comme l’âme qui s’échappe des défunts finir en fumée…

manuscrit
20/04/2020
08h15