MAI 68 FLEUR ÉPHÉMÈRE D’ÉTERNITÉ





Écrire encor Mai 68 ?

Tu as bu tu abuses

Tu parcours les nuages de mots clés

Contestataires Enragés

et  – on l’a oublié- ceux et celles qui étaient

comme toi les Inorganisé.e.s





Écrire encor les vieilles lunes

Les crapules staliniennes

La Chinoise tournée par le plus con

des Suisses prochinois

La Chienlit du père De Gaulle

Assis sur son trône élyséen





Écrire encor la joie pure et désintéressée

Plutôt la vie Fraternité

La servitude volontaire moquée

Dix ans ça suffit

Les affiches collectives des Beauz’arts

Les rencontres sur les places

Et dans les rues sans hiérarchie sociale





Écrire encore tant que vyvrai

Avec l’énergie et le souffle

Sens dessus dessous

À la chandelle de la bougie Jankélévitch

Ce je-ne-sais-quoi et ce presque-rien





Écrire encor 68 pages sous les pavés

68 phrases bombées sur les murs

L’Art c’est ce qui rend la vie

Plus intéressante que l’Art

68 prises de paroles

Comme en 89 ils ont pris la Bastille





Écrire encor et toujours mai 68

Tu ne demandes rien à Personne

52 piges après Ça t’occupe

Ça te libère ça t’émoustille

Et le reste les Tristes Figures

Qui croient liquider le mouvement

de Mai

Hop ! Hop ! Hop ! Hop !

Tu leur chantes la chanson de Béranger





Vous n’aurez pas ma fleur

Celle qui me pousse à l’intérieur

Fleur cérébrale et fleur de cœur





Mai 68 Cosa mentale

Fleur éphémère d’éternité…





Citations sur l’Art Gérard Fromanger

Sur la Bastille Michel de Certeau

Le poète a dégoupillé la parole, annonçait un papillon de la Sorbonne. C’est un fait dont nous sommes témoins pour l’avoir vu et y avoir participé : une foule est devenue poétique. On s’est mis à discuter enfin de choses essentielles, de la société, du bonheur, du savoir, de l’art, de la politique. Une palabre permanente se répandait comme le feu…





Michel de Certeau

SALE TEMPS POUR LES GRENADIERS





Sale temps pour grenadiers et voltigeurs de vers

Grenadiers ?

Ceux et celles qui dégoupillèrent la parole

sur les murs de Mai 68 :

Je suis un minoritaire né. Les plus forts, je suis contre.





Voltigeurs ?

De nos affects et de nos émotions, mises en mots,

mis en maux, avec tous les charmes voués à la forme.





Du vers ?

Toujours en mouvement,

si l’on ne veut pas qu’il nous étouffe,

mais jamais ignorant nos phares dans la nuit,

de Marot à Hugo, de Verlaine à Valéry.





Ainsi du sale temps je n’en ai cure

Et du vers je parcours son champ illimité.

(Oublions ces deux vers empreints de gravité)





Sous les pavés ma plage, de sable et de graviers,

Il n’y a pas d’avant-garde, il n’y a que des gens en retard.





italiques Jacques Réda, Romain Gary, anonyme Mai 68.


	

NEIGE LENTE DÉRIVE DANS L’AIR IVRE





le titre est dû à Jacqueline Saint-Jean

« Matière ardente »

vient de paraître





LE COUPE-PAPIER s’allie au papier de qualité Un romancier qui jouissait de la théorie – dans les années 70 c’était quasi-obligatoire – te fait remarquer qu’au fil de l’épée comme disait le Général tant moqué et brocardé en Mai68 Au fil de l’épée tu te fraies un chemin de lecture comme au plus touffu d’une forêt

TE VOILÀ DERECHEF dans les réminiscences du poète florentin come di neve in alpe sanza vento « comme neige sur l’Alpe une nuit sans vent »Tu t’es autorisé à ajouter « une nuit » pour ta traduction présente Car foin d’ Alighieri toi tu as passé plus d’une nuit à regarder la neige tomber sous la lucarne d’un grenier un livre de poèmes sur tes genoux c’était non dans l’Alpe mais dans les Pyrénées

LA SUITE TU L’AS RATURÉE chose très rare pour toi qui aimes écrire dans l’extrême lenteur faisant tienne la formule de maître Montaigne j’ajoute et ne corrige pas La suite ravivait d’anciennes blessures te faisant passer du grenier d’un conte enchanté à cette espèce de soupente où après ta contribution active et joyeuse durant la journée à écrire sur les murs de Mai tu sombrais nuit après nuit dans la lecture de ce roman Der Mann ohne Eigenshaften où Ulrich L’homme sans qualités échouait à trouver la formule mathématique d’une vie qui déclinait cette alliance paradoxale de précision et d’indétermination selon la traduction de Philippe Jaccottet

LE LECTEUR A POSÉ SA VALISE…(à suivre)





La citation sur le coupe-papier « au fil de l’épée » est due à Italo Calvino