LA NUIT ÉCRIT

Les lignes s’accumulent

dans le sacré dormeur

qui fait don à la poésie

d’un sonnet boiteux

.

C’est à Londres qui fume et crie

et c’est dans un estaminet de la Pampa

où roulent ivres morts

quatre gauchos perdus

.

Retour aux nuits des poètes maudits

Faisant éclore leurs fleurs artificielles

à Montparnasse ou dans le livre

des Égarés d’un monde d’avant-guerre

Le poème trébuche une dernière fois

Puis se repose Ni vers ni prose

TROIS ARTICLES GRIGNOTÉS DANS LA NUIT


TU GRIGNOTES DANS LA NUIT
ce biscuit inactuel que l’on appelle encor – semble-t-il ? – un poème Avec la craie qui le traça sur le tableau noir de l’enfance Avec le stylo feutre bleu qui enjambe les ponts et les refrains présents Avec tes doigts de vieux copiste aimant les lettres illuminées salle des poèmes perdus
TU TE PERDS DANS DES PAGES
si bien qu’entre deux sommes, le livre rouvert semble être un autre roman. Rien vraiment de rassurant. Tu vas faire une lettre dès demain à l’Éditeur en le priant de la transmettre à l’Auteur, qui en sera ravi ou marri. À moins que ce soit l’Imprimeur qui ait assemblé ton exemplaire de manière aléatoire. En attendant, vaille que vaille, tu te dis qu’après tout, ce désordre-là, est un pas ouvert à l’esprit.
Mis en abyme, ton roman prend les couleurs d’une expérience participative. Et te voilà, lecteur libéré, dialoguant, interpellant les personnages, qui semble-t-il n’en font qu’à leur tête. Tu interviens carrément dans leur conversation, l’action, et même tu y vas de ton flux ininterrompu qui en de longues phrases sinueuses entretient la sous-conversation d’un monologue intérieur. Une page perdue, dix de retrouvées.
UN ROUGE GORGE SE BALANCE
sur le frêle grenadier qui porte ses quatre fruits vernissés et ses dernières feuilles jaunes tremblantes au vent de Toussaint. Tout en observant l’oiseau remuant derrière la porte-fenêtre du salon j’improvise une ballade sur mon piano du pauvre mais en sourdine pour ne pas faire fuir le familier. Passe passe passereau Aux morts ne jetons pas la pierre Passe passe mon pierrot Tic tic tic tsuiit La vie est un mystère.

NUIT PROVENÇALE

Idéale pour sa peau sous la lune chaude  des satellites croisent les étoiles la lecture d’un livre nouveau nous engage à renouveler nos métaphores à condition de toutes les connaître de Villon à Jaccottet d’Anne Sylvestre à Joachim des Près sans ignorer le chinois Tchouang Tseu rêvé par un papillon et le rituel amérindien où l’on honore ses morts en mélangeant leurs cendres avec le miel sauvage Les plantes rouge- orangées de la pergola bougent un peu sous la brise bienfaitrice et se rient de mes prétentions

Un nouveau dictionnaire à part moi

Vient de paraître aux Éditions du Net

Page 86 réécrite pour mon blog Poésie mode d’emploi

.

JJ Dorio

24 juin 2025

LES TERCETS D’UNE NUIT

Les tercets d’une nuit

Ombres démesurées

Que le stylo écrit

.

Les tercets d’une nuit

Fouillis d’ images et de mots

Qui cavalent sans bruit

.

Ou qui sont en attente

Un stylo noir figé

Entre les doigts d’une main

.

Les tercets éclatés

Vociférés ou tus

Par une voix sans personne

.

Tu te souviens

Des livres anciens

Sur le duende

.

De la terre bleue

Comme un orange

Et de nos vers partagés

.

Uniques et sans appel

Multiples dans la nuit

Portés de trois en trois

.

Trois p’tits chats

Chats chats

Chapeau d’paille

.

Etc