Il y a toujours deux choses dans un poème La force ou la faiblesse des métaphores Et une feuille de papier La râteau passe et repasse Dessinant les poèmes De ce livre de sable Et de nymphéas Sous la pluie Et les lignes en filigrane Du papier kraft

Jean Jacques Dorio Un poème inédit par jour
Il y a toujours deux choses dans un poème La force ou la faiblesse des métaphores Et une feuille de papier La râteau passe et repasse Dessinant les poèmes De ce livre de sable Et de nymphéas Sous la pluie Et les lignes en filigrane Du papier kraft
L’oubli est le plus court chemin dans le labyrinthe dressé par la mémoire La mémoire du temps perdu cherchée dans l’espace d’un texte romanesque où le narrateur se lance plume en main toutes les nuits sur chaque page à corps perdu À corps perdu est peut-être une métaphore : les esprits perspicaces y détectent des similitudes entre des choses qui en apparence sont très éloignées l’une de l’autre À corps perdu rien d’impossible : les rêves que j’écris en comptant les syllabes / le crissement du stylo feutre sur la feuille à fort grammage / les lièvres que la prose poétique lève / les paroles entendues dans la rue transformées en figures / et tous nos impensés qu’en d’autre temps nous appelions nos points aveugles
L’oubli, le court chemin, les longs détours romanesques, le labyrinthe, la mémoire à corps perdu, les exercices d’impensé, tout ce qui à la longue constitue un dictionnaire à part moi.
https://www.leseditionsdunet.com/livre/un-dictionnaire-part-moi
– Toi qui écris cette série de dialogues intérieurs, connais-tu « Dialogues Typographiques » ?
– Tout juste. Je viens de les relire.
– L’auteur a imaginé dans le coin à gauche et en haut de la page…une foule immobile
qui regarde et qui se tait.
– Oui et il a situé la scène…sur les bords de la Seine.
– Une nuit d’encre filant la métaphore coule sous les ponts.
– « Sous les ponts de Paris coule… la merde » chantait Béranger (François) dans une très longue
chanson prolongeant l’enragement de Mai 68 et baptisée par antiphrase « Paris Lumière ».
– Un chant tendre et pathétique qui me tire la nuit hors du sommeil. La foule qui entendait le bruit des sabots de fiacre sur les quais a disparu.
– Ai-je bien payé ma dette à tous ces flots d’hommes et de femmes se demande en bouclant sa page ce poète toujours en mouvement qui signait du nom énigmatique de Jean Tardieu.
Dialogues intérieurs IX
À un moment donné, donc, je n’ai plus pu me contenter d’écrire des poèmes ;
il a fallu que j’essaie de comprendre ces émotions et le rapport qui les liait à la poésie.
Philippe Jaccottet
La promenade sous les arbres
Poésie, née d’émotion et de confusion, pourvu que l’on essaie de la frotter à notre langage en fusion, nous mène au sommet de l’imagination humaine.
Le mot lui-même, seuls ceux qui s’adonnent à son perpétuel mouvement le savent, est intraduisible. Mais il a un passage obligé : la poésie universelle est liée à la poésie individuelle.
Sans cette liaison amoureuse, il n’y a que l’ « apoésie », l’agitation, la crainte de l’autre en soi, l’obscurité, le chaos, la prose du monde, l’abondance des paroles prisonnières des réseaux asociaux.
Ce n’est que quand les deux poésies se réunissent qu’il y a mouvement, transport, métaphore, vision claire, bien qu’éphémère, et toujours dans l’insatisfaction de l’homme agissant et souffrant.
Les trésors d’harmonie que les poètes dans un vers unique, tissent à partir de leur expérience, sont à ce prix. Poésie est dispersée sur toute la planète. C’est pour ça que beaucoup de poètes locaux ne la reconnaissent pas. Il faut réunir sans cesse ses brins épars.
Filer la métaphore, un filon,
Une veine creusée par un poète capricieux,
Quand d’autres se complaisent à leur guignon.
Filer la laine du temps défait
Sur le dos de nos bêtes disparues
Celles qui habitaient notre maison
Séparées de la cuisine
Par une mince cloison.
Filer Chronos,
Ce temps qui a filé
Un jour après l’autre,
Ses ans, ses décennies,
Son siècle bien pesé,
Ses animaux malades d’une peste transmise
En cette année deux mille vingt
À des humains
Qui n’en peuvent mais.
Mai mai mai
Au joli mai
Aurons-nous enfin
Guéri ?
31/01/2021
FILER MES VERS
Cinq siècles après comme le bon Marot,
Me voilà moi aussi dans ce petit jardin,
Que j’ai recouvert d’arbres, de haies,
de fleurs qui sentent l’été et d’une vigne
qui monte sur la pergola,
qu’un ferronnier m’a posée.
Loin de toute fausse querelle qui sature
l’espace public, de ceux et celles, qui pour exister,
ont besoin chaque jour de chercher noise,
mais sans crainte, encore heureux, que l’on vienne,
pour mon athéisme, me persécuter.
Et cependant préoccupé comme le fut Clément,
par l’avancée irrésistible de la Censure,
avec ses alliés historiques qui se renforcent
au vent mauvais des « passions tristes » :
les chefs d’état nationalistes et sans contrôle démocratique,
les Religieux qui lisent leur texte sacré, comme si c’était vrai,
et les fanatiques qui font de leur cause
la négation de tout Universalisme.
J’oublie. Une cigale maintenant résonne,
et me somme de me remettre à filer mes vers :
C’est cette activité sur « soy-mesme », me dit Marot,
« qui fait à l’homme, heureuse vie avoir ».
20/07/2020