Je suis un poète de deuxième main
Fervent des citations
Territoires de l’imaginaire
Je suis un poète clé en main
Mais un malin génie
Change sans cesse mes serrures
Je suis un poète qui à l’argus de la poésie
Ne vaut pas une cacahouète
Je suis un poète qu’Axiste pas
Môme néant Homme égaré
dans le fleuve caché
des poésies de Jean Tardieu
Je suis un poète nature-culture
à double sens
Je suis un poète de première main
En sortant de ce poème
Éteignez s’il vous plaît la lumière
Tag Archives: poète
LE TEMPS TE DÉVISAGE
le poète est allé cueillir des simples
mais la brume est épaisse
je ne peux vous dire où il se trouve au juste*
*Ji Dao (779-843) époque Tang
traduit par J.F. Billeter
le temps te dévisage
tu dévisages le temps
sans visa sans visage
le temps te dévisage
tu ne sais ce qu’il cherche
braise ou cendre
le temps te dévisage
tu as peut-être déjà quitté
ce monde
mais il semble l’ignorer
le temps te dévisage
les visages sont à tous
les miroirs à personne
le temps te dévisage
tu l’étreins tu éteins
sa flamme trop vorace
le temps te dévisage
par des sentes perdues
voyageur interdit
sans cesse tu dérobes
le temps te dévisage
tu as perdu la mémoire
des poésies rangées
dans les bibliothèques
le temps te dévisage
une femme qui parle ta langue
revient de son exil
et t’entraîne vers d’autres rivages
MAL VIT QUI NE S’AMENDE
À mes ami.e.s poètes
Éclaircir sa tristesse
Sur la page éclairée
Par nos constellations
Comme des vers anciens
Respectant la césure
Et l’esprit des épîtres
Mal vit qui ne s’amende*
Disait à ses amis
Ce poète brûlant
Après l’avoir fauché
Le chiendent du jardin
La zizanie des vers
Mal vit qui ne sait pas
Sa tristesse tourner
En cueillaison d’un rêve**
Comme ces vers nouveaux
Adressés à ses ami.e.s
Œuvrant ès poésies
* Michel d’Amboise
(merci à Pauline Dorio)
** Stéphane Mallarmé
VERS LA FIN LE POÈTE
La poésie qui se prenait pour la parole en personne
quand elle n'était qu'un filet de voix
dans le tumulte du monde
Gérard Macé
Vers la fin le poète
qui n'a plus à mettre de gant
ni avec sa gloriole - son assurance mort -
ni avec son petit métier :
la recherche de la juste distance
entre le tournoiement des mots
et la caresse du monde
Vers la fin
à pleines mains
ou sans toucher à rien
le voilà qui arrache encore
un peu de terre de son jardin imparfait
les yeux fixés sur la voûte cosmique
et les lèvres buvant à la source
du jour nouveau
Happé
par ce désir de porter
le souffle d'une langue
qui le livrant à l'éphémère
le détache de toute prétention
mais non de l'utopie
présente dans tout poème
(À sauts et à gambades)
C’EST DIMANCHE
Il était petit et trapu, avec un aspect paysan,
à le voir on n'aurait pas pensé à un écrivain raffiné, comme il était,
mais les écrivains sont toujours ainsi, ils trompent leur monde.
Antonio Tabucchi (Pour Isabel)
-Et les poètes ?
- C'est encore pire.
S'ils disent "Je" c'est toujours un "autre".
Entre ce que je vois et dis
Entre ce que je dis et tais
Entre ce que je tais et rêve
Entre ce que je rêve et oublie
La Poésie
Octavio Paz
C'est dimanche
Il y a quarante ans
Dans un autre temps
Je me mariai
C'est dimanche
Dans un hôtel de ville
En belle pierre de Provence
Tu passais la bague
À mon annulaire
C'est dimanche
Depuis lors
Ça a coulé
C'est dimanche
Ça a coulé
Mais ça ne se raconte pas
Il faut laisser ça aux romanciers
C'est dimanche
Elle est sans merci
La mort qui frappe à l'aveuglette
C'est dimanche
Le gardien du temps
Me sourit tristement
La mort ? L'amour ?
¿ Quién sabe ?