UNE PENSÉE EN FORME DE POÈME

Nous étions assurés qu’ainsi
Se formait la pensée
Une fleur du même nom	

Jean Louis Rambour
à qui ce poème est dédié

« J’ai tendu des perches »
Un ami m’en remercie
Un post A.V.C.

Un ami poète
Immense minorité
Qui poursuit la quête

L’A.V.C. cruel
A attaqué son langage
Ça c’est le pompon !

Il me l’a écrit
Moi j’en suis tout remué
En plus il me donne

(Belle confiance)
Trente pages imprimées
Sorties de ses tripes

Des tableaux d’un peintre
En couleur en vis-à-vis
C’est impubliable

(Trop chères les pages)
Tiré en quatre exemplaires
Un précieux présent

Première impression
« Ça tient on ne sait comment » 
Mais si on le sait

Ça tient ça salue
Quarante ans d’écriture
Avec un pari

Pages une à une
Arrachées au désespoir 
Par l’activité

Avec des contraintes
J’écris en puisant dans chaque
Tableau de l’artiste

J’écris 18 lignes
Portées par un « Nous » qui noue
Nos belles couleurs

-Paradis vécus
D’une vie où tout fit sens-
À nos froides cendres

Oui du miel aux cendres
Selon les Amérindiens
Et selon Bleu roi

(Son titre choisi :
Nous étions sur le bleu roi)
Chevilles genoux

Nous aimions les fleurs
Les communes les subtiles
Ornant nos sonnets

Nous étions la brosse
En mouvement sur la toile
Des nuits étoilées

Nous avons aimé
Que nos corps s’inventent
Une éternité

Martigues 8 septembre 2023

photographie de deux pages

de Bleu roi

en vis à vis

tableaux de Ramzi Ghotbaldin

Texte de Jean-Louis Rambour

(tiré en quatre exemplaires :

pour l’instant on veut croire)

SONNET D’UN POÈTE DÉMUNI

6

Sur le moment j’ai fait un vers de désespoir
Un autre en suspens est venu mais bien plus tard
Sur le moment je cale je ne sais quel démon
M’empêche d’exprimer ce que j’ai sur le cœur


Je suis le démuni sans amour sans honneur
Sans livre où reposer ma tête dans un roman
Sans moments où je songe aux paradis vécus

Je suis dans la nacelle des poètes de cours
Quand il n’y a plus ni cours ni jardin ni espoir
Quand mes lignes s’effacent à mesure qu’elles courent

Sur le moment pourtant on dirait camarade
Que j’entends chanter de Du Bel Les Regrets
Du Bellay Joachim Joakim Joachin

Ce sonnet à la noix je le donne aux chiens


Avec Joachim Du Bellay v.1522-2 janvier 1560

Après une soirée joyeuse où il fête l’an nouveau
Il meurt d’une apoplexie dans la nuit du 1° au 2 janvier
au n°1 de la rue Massillon 
derrière la cathédrale Notre Dame
de Paris

de la série Lir’écrire encor un sonnet ? Il faut être sonné !

une lecture murmurée soutenue par Speak lik a child d’Herbie Hancock

MORT D’UN POÈTE

Je reconnais l'impardonnable linceul Celui qui coupe et qui éloigne 
Celui pour lequel nous ne sommes rien 
Et qui emporte inéluctable toutes les racines tous les soleils 
Pour un terrible amas de cendres

Michel Cosem L'Âme de la Grande Ourse 422° Encres Vives

Michel Cosem nous a quittés
C'est dur à dire
et encor plus à répéter
Michel Cosem nous a quittés

UN COUPEUR DE CHEVEUX EN QUATRE UN AMATEUR

Un coupeur de cheveux en quatre un amateur
Qui use d’écharnoir pour tailler son poème
Et la toile émeri pour gratter les hommages

Loin du poète à luth ou du joueur de go
Une bouche avalant à grands traits la lumière
Et non « la bouche d’ombre » d’où sort Victor Hugo

D’une vieille maman un fils de tortillance
Qui enroule ses vers de mille impertinences
Un engendreur de bric de Bonnard et de Braque

Poète trimégiste Hermès patron des scribes
Ses ailes de géant se mettant à marcher
Parcourant tous les rhumbs de l’un à l’autre pôle
Tenant à bout de main la plume flegmatique
Repoussant les sanguins bilieux mélancoliques
Aimant les chats du Parthénon de l’Acropole

Maniant les vers blancs les dés les diatribes
Donnant la nourriture aux hommes égarés
Aux enfants des eaux et des airs aux doux Lettrés
Et d’un vers à un autre halant tous les lecteurs
Des coupeurs de cheveux en quatre des amateurs

italiques Queneau Petite Cosmogonie Portative 6° et dernier chant







ADRESSE D’UN POÈTE ALGORITHME ALCHIMIQUE

En lisant Petite Cosmogonie Portative Troisième chant


les italiques sont de Queneau

Adresse du poète algorithme alchimique
Le facteur de ma rue a du mal à trouver
Mais je suis à l’affût quand je l’entends passer
Coucou oui c’est bien moi le poète Machin
Tailleur de métaphores Algébreur d’émotions
Je lui signe un reçu dont il fait la photo
Qu’il envoie illico aux frères planétaires
Et aux sœurs sans sornettes amoureux comme moi
Du vierge du vivace et du bel aujourd’hui